• De l’Histoire de l’art à l’histoire du design industriel

    Par Jocelyne Le Boeuf, directrice des études à l’Ecole de Design de Nantes Atlantique.

    Le propos de ce texte est d’esquisser un bilan critique sur l’histoire du design industriel, à partir d’un repérage bibliographique sur les principales approches proposées tant en histoire de l’art que dans d’autres champs de l’histoire ouverts sur ce sujet.

    1. Historiographie et contours d’une discipline

    1.1 L’histoire du design industriel comme branche de l’histoire de l’art et de l’architecture

    Écrits fondateurs et descendance : les travaux de Nikolaus Pevsner (Pioneers of Modern Movements – 1936) et Siegfried Giedion (Espace, Temps et Architecture – 1941)[1].

    Dans la lignée de Pevsner (Leipzig 1902 – Londres 1983), l’histoire du design commence dans l’Angleterre de William Morris (mouvement des Arts and Crafts) et trouve une apogée dans le Bauhaus et les écoles qui en sont issues. Nombre d’ouvrages restent imprégnés des classifications stylistiques et des valeurs liées au style international qu’il a proposé.

    Il ne s’agit pas tant pour Siegfried Giedion (Prague 1888 – Zürich1968) de questions de style que de comprendre les mécanismes d’une architecture conçue comme un « organisme » en interférence avec la société. Son rôle a été analysé par Pierre Francastel dans Art et Technique au XIXe et XXe siècles[2].

    Il en démontre les fondements idéologiques : « réquisitoire contre la mécanisation de toutes les activités humaines », espoir de régénération d’une humanité réconciliée avec la nature grâce à l’intuition du créateur inspiré et à l’avènement d’une architecture organique (dont l’architecte Frank Lloyd Wright est le grand représentant).

    Le travail des deux auteurs est trop important pour se risquer à plus de développement dans le cadre de cet article. Il faudrait pouvoir le resituer dans le contexte militant des pionniers de l’architecture moderne des années 1920-30, en particulier dans le contexte de fondation de cette célèbre école allemande du Bauhaus fondée en 1919 par Walter Gropius et fermée lorsque Hitler prend le pouvoir en 1933, ainsi que dans celui des réseaux d’influences autour des CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne).

    On en retiendra l’importance fondamentale de l’art, d’une « bonne forme de l’art et de la civilisation », comme l’écrit Francastel (p. 82) dont l’histoire absorbe celle du design. C’était aussi la conviction de l’historien de l’art et critique Herbert Read (1893-1968) défenseur d’une éducation par l’art (Education through Art – 1943), partisan d’une association entre l’art d’avant-garde et l’esthétique industrielle.

    Sur cette branche de l’histoire de l’art et de l’architecture se sont développées en France :

    - les nombreuses études sur les architectes, artistes décorateurs et designers dans la mouvance de la Société des Artistes Décorateurs (SAD) et de l’Union des Artistes Modernes (UAM)[3].

    - les publications sur l’histoire et le rôle des premières écoles de design industriel (Bauhaus et son héritage[4])

    - les travaux sur les mouvements artistiques engagés dans une réflexion sur l’objet du quotidien (Constructivisme, De Stijl, Arts abstraits[5]).

    L’histoire du design industriel issue de l’histoire de l’art moderne trouve aussi ses fondements dans les écrits engagés des architectes et des artistes[6], dans nombre de travaux philosophiques et théories de l’art. On sait l’importance jouée par le philosophe Paul Souriau, défenseur de la « beauté utile[7] », dans le mouvement de l’Esthétique industrielle en France. Son fils Étienne Souriau, également philosophe, a participé à la rédaction des lois de la Charte de l’Esthétique industrielle (1952).

    Il est en particulier l’auteur de la 13ème loi dite des arts impliqués, « quantité d’art qui se trouve incluse et comprise à l’intérieur même du travail industriel[8]». René Huyghe, philosophe de l’art, est engagé lui aussi dès les débuts dans l’aventure de l’Institut d’Esthétique industrielle…

    Jacques Viénot fait souvent référence à Bergson pour le « supplément d’âme » que l’esthéticien industriel apporte à l’objet, ainsi qu’à l’historien de l’art Henri Focillon[9] (Vie des formes, 1934) pour cette quête d’une compréhension des forces à l’œuvre dans la formation des styles. Son livre, La République des Arts (1941), exprime cette conviction que le créateur d’avant-garde doit être le guide éclairé de la société moderne.

    - La relève idéologique post-moderne dans une société dite postindustrielle

    Les mutations économiques et sociales des sociétés industrielles dans les années soixante[10], l’avènement d’une société de l’abondance et des loisirs, les développements du secteur tertiaire, la diminution du temps de travail et les premières inquiétudes concernant les problèmes de pollution et de ressources planétaires engendrent une nouvelle lecture de l’histoire. Celle-ci a aussi ses philosophes et ses théoriciens[11].

    S’il y a rupture au niveau d’une vision du monde, le cadre épistémologique de l’histoire du design industriel comme branche de l’histoire de l’art reste le même. Le design industriel se retrouve alors confronté aux contestations formelles et théoriques de l’art et des arts décoratifs[12]. Raymond Guidot qui a écrit un ouvrage de synthèse des années 40 à nos jours[13] retrace l’ histoire du design sous l’angle de ces phénomènes.

    Ce sera aussi la matière de nombreuses expositions au Musée des arts décoratifs et à Beaubourg (voir par exemple les catalogues des expositions Nouvelles Tendances (1987) – Formes des métropoles, nouveaux designs en Europe (1991). Une exposition récente au musée des Arts décoratifs, Éditer le design (Oct. 2006-janv. 2007), associe la présentation d’un éditeur, Danese, à une histoire des icônes du design.

    Les théories, les objets et les acteurs d’une histoire du design comme branche de l’histoire de l’art et de l’architecture ont contribué à façonner notre monde tant sur le plan matériel des projets réalisés et que sur celui imaginaire des représentations. Ils restent une source permanente de réflexion, méditation et questions sur la façon dont les hommes construisent leur rapport au monde. Deux principales figures émergent, l’icône et le créateur.

    Le caractère iconique renvoyant à l’histoire de l’art et des arts appliqués privilégie une lecture plastique des objets en relation avec les œuvres d’art. Elle entraîne aussi souvent l’historien du design dans une polarisation sur l’auteur qui n’a pas de sens pour la plupart des produits issus de l’industrialisation.

    La quête de l’objet exemplaire est insatisfaisante pour l’histoire du design industriel parce qu’elle fait l’impasse sur :
    - les aspects économiques, les cahiers des charges, les contextes de production, les médiations… entourant les pratiques de design industriel.
    - la diversité des solutions de design qui ont construit un monde qui n’est pas uniquement peuplé d’icônes.
    - la question des finalités au regard des contextes dans lesquels le design prend place.

    A cet égard J. A Walker (Design history and the history of design) pose la question pertinente des silences et impasses symptomatiques d’une histoire du design industriel soumise à l’idéologie du « bon design » (pas d’histoire du design industriel sur le design des camps de concentration, des chambres à gaz et des instruments de torture, par exemple) : What would we think of general histories which only described good people and happy events?[14]

    L’histoire du design circonscrite en une histoire d’objets exemplaires est associée à une vision romantique de l’histoire, où la figure du « grand designer » charismatique[15] est aussi très présente et relayée par le discours médiatique. La référence au créateur fait en effet croire à une possible réconciliation entre aspirations individualistes et production de masse et valorise les entreprises qui ont su trouver les bonnes signatures. L’historien du design doit aussi s’interroger sur son rôle dans cette mise en scène.

    Les études sur la réception de l’architecture du Mouvement moderne menées par la commission internationale pour la documentation et la conservation d’édifices, sites et ensembles urbains du mouvement moderne (do-co-mo-mo) peuvent fournir aux historiens du design industriel des éléments fructueux de réflexion.

    La 7ème conférence internationale de cette commission a proposé un certain nombre de travaux d’historiens qui ont entrepris une analyse critique des grands récits de la modernité dans une confrontation rigoureuse des discours et des sources historiques. De nouvelles lectures apparaissent qui montrent une modernité vivante avec ses contradictions et ses écarts entre utopie et réalité.

    Pour exemple l’analyse du « décalage entre les intentions de la municipalité, la conduite du projet en temps de crise et le caractère de “laboratoire architectural” (…) », mais aussi du décalage entre des techniques pionnières et les usages effectifs du bâtiment (plancher escamotable – comble roulant), nuance la lecture canonique que fit l’historien Reyner Banham (1962) de la Maison du Peuple à Clichy[16]. Le même article de Fabienne Chevallier démontre l’activité moderne dans les années trente d’architectes formés à l’École des Beaux-Arts, considérée pourtant comme le creuset d’un académisme rétrograde.

    1.2 L’histoire du design comme branche de l’histoire de la culture technique et de l’histoire industrielle (architecture, sites, objets, entreprises)

    Lorsque l’Inventaire général entreprend dans les années 1980 un programme de repérage national du patrimoine industriel, l’étude de l’architecture industrielle, des sites et des machines de production fait l’objet d’un intérêt croissant depuis quelques années[17]. La désindustrialisation contribue à un mouvement de transformation des usines en lieux culturels et favorise l’histoire des techniques, des processus de production et du savoir-faire. Les historiens de l’architecture (François Loyer, Le siècle de l’industrie, 1983[18]) entreprennent de grandes synthèses renouvelant l’approche de l’architecture industrielle en dépassant le classement stylistique des formes pour inscrire le fait architectural au cœur des faits sociaux, des mentalités et des phénomènes économiques.

    Dans ces ouvrages, le design industriel n’est pas étudié en tant que tel. Ceux-ci permettent cependant d’en affiner le cadre historique général en favorisant une histoire culturelle qui ouvre des pistes fructueuses.

    Jocelyn de Noblet qui avait publié un premier ouvrage de synthèse en 1974[19] dans lequel il critiquait une vision artistique du design, fait alors le lien entre l’histoire de la culture technique et le design. C’est une époque où nombres d’initiatives – fondation du Centre de Création Industrielle (CCI) en 1969, du Conseil Supérieur de la Création industrielle (1970-1975), de l’Agence pour le Promotion de la Création industrielle (APCI) en 1983, création de revues (Créé, revue diffusée entre 1969 et 1977 – Traverses, revue éditée par le CCI à partir de 1975, etc.) – manifestent une volonté de communiquer sur le lien entre design et industrie.

    En témoignent les expositions organisées par le CCI et Raymond Guidot (« Matériau, Technologie, Forme », 1974[20], « L’objet industriel », 1980). Un Centre de Recherche sur la Culture Technique (CRCT) est constitué en 1978, avec Jocelyn de Noblet, des directeurs d’études et de recherches de grandes entreprises françaises et étrangères et des universitaires. La publication pendant 14 ans de la revue Culture technique permet de diffuser les recherches menées au sein du CRCT.

    Dans son ouvrage de 1988, Design le geste et le compas[21], Jocelyn de Noblet analyse différents secteurs sous l’angle des évolutions sociales et technologiques (la maison, l’espace de bureau, le design militaire, les transports). C’est une rupture avec l’histoire du design comme branche de l’histoire de l’art, qui offre de nouvelles perspectives à la recherche historique[22]. Celle-ci ensuite ne s’est pas véritablement développée, mais le design trouve place à cette époque à l’Université Technologique de Compiègne[23] et suscite un certain nombre d’initiatives et de publications dans les sciences de l’ingénieur[24] .

    L’histoire des grands systèmes techniques, des matériaux et innovations étudiés dans le contexte de leur impact sur les sociétés et sur les mentalités, fournit des éléments fondamentaux de connaissance pour l’historien du design industriel. Mais son objet n’est pas d’analyser ce qui va déterminer les choix qui vont donner forme au processus de design, c’est-à-dire :

    - la culture du designer ou des équipes de designers travaillant sur le projet, déterminante quant à une certaine vision des usagers, d’une écriture formelle, d’une plus ou moins grande importance apportée à une démarche pragmatique ou à un type de méthodologie.

    - la culture de l’entreprise et les rapports entre les différents services avec lesquels le designer travaille.

    1.3 L’histoire du design comme branche d’une histoire anonyme de la culture matérielle (approches transversales histoire et sciences humaines)

    L’ouvrage de Siegfried Giedion, Mechanization Takes Command (1948),[25]est également considéré comme fondateur dans toute historiographie du design. L’approche de l’objet n’est plus ici celle de l’icône mais « de choses humbles, d’objets auxquels on n’attache généralement pas une grande importance, ou tout au moins auxquels on n’attribue pas de valeur historique. (…) Une cuiller à café reflète bien le soleil! Collectivement, toutes ces humbles choses dont nous allons parler ont ébranlé notre vie jusque dans ses racines les plus profondes. Modestes objets quotidiens, ils se coalisent pour agir sur quiconque se meut dans l’orbite de notre civilisation[26]».

    Il s’agissait pour l’auteur d’entreprendre, au-delà de l’objet, une histoire du processus de mécanisation et de ses influences et conséquences sur l’être humain.

    Les approches transversales histoire et sciences humaines explorent des voies diverses qu’il est difficile de résumer :

    - Relations entre les arts et les techniques dans le cadre d’une sociologie de l’art proposée par Pierre Francastel (Art et Technique aux XIXe et XXe siècles – 1956[27]).

    - Étude de l’objet dans son contexte historique au sens large (institutionnel, économique, social). Un des terrains de prédilection est celui des arts ménagers[28] parce qu’il a accompagné toute la pensée sociale du progrès associé au design.

    - Approches sociologiques et anthropologiques des mécanismes sociaux et des relations entre l’homme et son environnement matériel. Dans ce contexte, l’étude des objets s’inscrit dans une dynamique où interagissent plusieurs acteurs et facteurs.
    Les significations de l’objet (usage et signe) diffèrent et évoluent suivant les contextes d’usage, les contextes socioculturels et économiques. L’exposition « Design, miroir du siècle », organisée à Paris (Grand Palais – 1993), abordait cette question du design industriel sous l’angle de la culture matérielle au sens large[29].

    La session « Immaterial culture? Things, artefacts and meanings » (AAH, Association of Arts Historians, Annual Conference – University of Ulster, Belfast, 12-14 avril 2007) présentée par Deborah Sugg Ryan (Journal of Design History, UK) et Timo de Rijk (Delft University of Technology, Netherlands) met en avant une nouvelle histoire du design (New Design History) inspirée entre autres par les écrits de Pierre Bourdieu (comment les productions culturelles révèlent et engendrent des mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales) et Daniel Miller[30] (approche anthropologique de la consommation).

    Il est fait référence également aux écrits de Judy Attfield[31], pionnière dans ce type de recherche et au sociologue anthropologue Bruno Latour (« sociologie de l’acteur-réseau » qui considère que les acteurs sociaux ne sont pas seulement les humains mais aussi les objets et les organisations et qui analyse le social comme une suite d’interactions successives d’acteurs hétérogènes).

    Les travaux récents de Thierry Bonnot[32], chargé de recherche au CNRS et membre du laboratoire Genèse et Transformation des Mondes Sociaux (CNRS/EHESS, Paris) ont pour cadre épistémologique l’observation des relations qui s’établissent entre sujets et objets à travers les usages dans la durée de l’histoire. Les questions posées valent pour les icônes du design : Quel discours en effet légitime le choix de l’objet témoin, mis en vitrine dans un musée? Quelle place tient le chercheur dans la construction de ce discours? Ces questions sont aussi pertinentes quant au statut iconique accordé aux « icônes anonymes » du design.

    L’extension du champ de l’exploration historique par l’apport des sciences humaines a ouvert des pistes fructueuses pour de nouvelles recherches en histoire du design. Différents niveaux de réalité et de compréhension des sociétés s’en dégagent.

    Cependant on ne peut faire l’impasse sur les outils méthodologiques à mettre en œuvre pour :
    - qu’il n’y ait pas dilution de l’histoire dans la sociologie et l’anthropologie
    - que les éléments de connaissance apportés par ces disciplines puissent être mis en perspective au regard des points spécifiques mentionnés dans les paragraphes précédents et qui devraient constituer le terreau de l’histoire du design industriel.

    Nous avons esquissé quelques-unes des facettes des histoires du design. L’étude des objets, des théories, des visions du métier se répartissent dans différents champs disciplinaires. Ces histoires étant un regard sur le monde, elles ont contribué à forger ce monde (monde réel et monde des représentations) et notre propre regard.

    L’historien a toujours à faire avec ce subtil équilibre entre une connaissance précise basée sur une rigueur dans la recherche des traces concrètes du passé et une construction de la connaissance dépendante du présent. C’est avec la conscience de cette histoire en mouvement qu’il faut s’interroger pour définir de nouveaux territoires de recherche en histoire du design.

    Que l’on soit du côté des programmes et des acteurs ou du côté des usages et des représentations, l’effort de théorisation suppose de discerner ce qui relèverait spécifiquement de cette discipline (histoire du design industriel) pour mieux comprendre comment interroger d’autres champs disciplinaires (histoire de l’art, des techniques, histoires culturelles économiques et sociales…) Les pistes de réflexion suggérées à travers l’esquisse historiographique sont des éléments d’un débat en chantier pour une discipline qui devrait trouver son territoire dans les recherches universitaires en France[33].

    2. L’histoire du design comme histoire du projet : théories, programmes et acteurs

    2.1 Jacques Viénot et le projet de l’esthétique industrielle après la Seconde Guerre mondiale

    La prédominance de l’histoire du design comme branche de l’histoire de l’art et de l’architecture a favorisé les études portant sur l’Union des Artistes modernes et laissé dans l’ombre un mouvement qui s’était détaché progressivement de l’univers des arts décoratifs et de l’architecture pour revendiquer un territoire spécifique, celui de l’objet industriel. C’est sans doute une des raisons qui permet de comprendre pourquoi aucune étude n’avait été consacrée à Jacques Viénot[34], leader charismatique du mouvement de l’esthétique industrielle.

    D’autres hypothèses peuvent être avancées comme le relatif désintérêt dans la culture française pour une discipline qui, ainsi qu’il le déclarait, « ne relève ni des beaux-arts, ni des arts décoratifs, ni de la technique pure ». Concernant plus précisément le silence sur son rôle, le fait qu’il n’ait pas lui-même été un créateur mais un entrepreneur, fondateur d’entreprises, est également à prendre en compte.

    La pensée de Jacques Viénot s’appuie essentiellement sur les grands engagements du Mouvement moderne. Il est d’ailleurs très lié aux membres de l’UAM et aux membres de l’Architecture d’Aujourd’hui. Son ouverture internationale dès les années 1920 l’avait préparé à travailler avec les principaux acteurs étrangers sur la mise en place institutionnelle d’un nouveau métier.

    La création de l’Institut d’Esthétique industrielle en 1951 correspond à un vaste mouvement de création d’organismes officiels de promotion de l’esthétique industrielle après la Seconde Guerre mondiale. Le contexte de la Reconstruction, en France comme dans d’autres pays européens, va favoriser les initiatives visant à mettre en œuvre une politique de modernisation propice au développement de ce qu’on n’appelle pas encore le design industriel.

    Les objectifs sont très clairs :
    - accroître le « pouvoir d’attraction » des produits nationaux pour favoriser l’exportation
    - humaniser la technique en créant des produits utiles et beaux pour le plus grand nombre.

    L’esthétique industrielle englobe donc un projet social et économique qui rassemble de nombreux industriels, intellectuels et créateurs. Lorsque l’on suit les débats de cette époque on s’aperçoit qu’en France, comme dans les autres pays industrialisés, les mêmes questions se posent sur le rôle de l’État, la place de l’esthétique industrielle par rapport à l’économie de marché, la question du « bon modèle » et de la mode, l’éducation du goût du consommateur, la responsabilité sociale des concepteurs, la nécessité de mettre en place des modèles spécifiques d’enseignement.

    Le programme du « cours Viénot » inauguré en 1956 à l’École des Arts appliqués rue Dupetit-thouars avec une quinzaine d’étudiants, fait suite à une vaste enquête menée par la revue Esthétique industrielle (N° 18-19) sur l’état de l’enseignement dans de nombreux pays. Celle-ci révèle une variété de tutelles d’enseignement révélatrices des compétences transversales inhérentes à la discipline.

    Le cadre de l’Enseignement technique, dans lequel l’expérience française va prendre place, présente au départ des objectifs sans doute très limités par rapport à l’ambition de Jacques Viénot qui avait défendu au Congrès international d’esthétique industrielle de Darmstadt (septembre 1957) un « programme d’études ayant une valeur intereuropéenne[35] ». Mais c’est néanmoins une grande victoire après de nombreuses années de défense auprès de l’État français d’un projet de formation, différent des modèles d’enseignement traditionnel dans les écoles d’arts appliqués[36].

    Deux aspects me semblent à souligner pour comprendre le contexte théorique dans lequel une pratique du design industriel s’est installée dans la France des années 1950 :

    - La limitation de certains champs d’application au sein de l’Institut…

    Cette limitation aux « aménagement des lieux et ambiance de travail dans le domaine de la production industrielle » et à la « conception de modèles pour l’ingénieur », associée à une orientation technique de l’enseignement, a pu être reprochée à Jacques Viénot. Cela aurait entraîné le retard de la France dans d’autres secteurs du design comme le mobilier, la verrerie, le textile[37]. Pour les membres de l’Institut…, il s’agissait d’une décision provisoire et la raison invoquée était l’urgence à se porter « au secours de l’ingénieur », dont l’activité de plus en plus spécialisée empêchait de répondre correctement à la globalité du problème. Les autres secteurs avaient déjà leurs créateurs de modèles. Une étude serait à mener sur les conséquences de ces clivages dans la perception du design en France. Quoiqu’il en soit, cette orientation a sans douté pesé sur la difficulté de reconnaissance d’un métier qui devait trouver sa place entre la forte tradition de prestige attachée aux arts décoratifs et à la culture de l’ingénieur dont Francastel disait qu’il semblait être « le roi actuel de la création[38] ».

    - La défense de l’expression esthétique industrielle

    Les débats qui ont accompagné la formation de l’ICSID à partir d’un premier projet de Fédération internationale des organismes d’esthétique industrielle, présenté lors du congrès international d’Esthétique industrielle organisé à Paris en 1953[39], permettent également de comprendre les ambiguïtés idéologiques auxquelles le design français a été confronté. Défendre la notion d’esthétique industrielle face à l’Industrial design anglo-saxon était pour Jacques Viénot défendre une spécificité française de la création industrielle.

    En arrière plan des questions de vocabulaire se profilaient les différents courants des théories fonctionnalistes, qui vont des définitions utilitaristes aux versions idéalistes et spiritualistes. Jacques Viénot reprochait aux Américains d’ « avoir fait du beau une tactique ». L’esthétique industrielle devait apporter ce « supplément d’âme, que réclamait Bergson, pour que notre civilisation devienne digne de nous[40] ».

    Mais l’idéalisme de cette position n’a pas empêché l’esthétique industrielle d’être accusée par certains membres issus de l’UAM[41] d’être avant tout un argument commercial tel qu’il apparaît dans la publicité pour l’agence Technès, « on achète avec ses yeux[42] ». D’autre part, l’expression esthétique industrielle continuait à établir une confusion entre cette discipline et les beaux-arts, même si Jacques Viénot s’en défendait.

    Les limites et contradictions d’une philosophie de la beauté utile devant garantir l’amélioration des conditions de vie des hommes, pressentie dans les années 1950, se retrouveront dans les polémiques qui ont accompagné le développement de la société de consommation dans les années 1960.

    2.2 Axes de recherche sur les projets d’esthétique industrielle dans les années 50 : programmes et acteurs

    Il n’existe malheureusement pas de fonds d’archives organisés sur le design en France. L’ambition de Jacques Viénot était pourtant, lorsqu’il fonda l’Institut d’Esthétique industrielle[43], d’en faire un centre de documentation international, suivant le modèle du Council of Industrial Design créé à Londres en 1944[44].

    Une étude sur la mise en œuvre des projets menés pour et avec de grandes entreprises industrielles par ceux qu’on appelait à l’époque les stylistes industriels ou ingénieurs esthéticiens, supposerait de mener des enquêtes dans les archives d’entreprises et institutionnelles. Entre 1945 et 1960 plus d’une centaine d’entreprises sont adhérentes à l’Institut d’Esthétique industrielle[45].

    Les premiers numéros de la revue[46] créée par Jacques Viénot témoignent aussi de l’engagement des principaux Établissements publics nationaux de l’après-guerre. Gaz de France a joué un rôle essentiel dans le financement du premier congrès d’Esthétique industrielle organisé par l’Institut à Paris en 1953[47]. Georges Combet, premier président de Gaz de France, partageait avec Viénot cette idée de l’importance de l’esthétique sur « le plan pratique, utilitaire, spirituel et moral », et lui conférait une « action libératrice permettant d’établir une règle de conduite pour l’harmonisation du travail collectif ».

    L’esthétique permettait de « ne pas se laisser piéger par un éblouissement, une admiration déraisonnable où pourrait nous induire la toute puissance de l’industrie moderne[48] ». Elle ne devait pas être enfermée dans une notion étroite du beau mais être une attitude proposant des « solutions humaines au-delà des apparences sensibles ». Parlant d’ « esthétique de l’invisible[49] », sa réflexion portait sur l’esthétique du service et de la qualité des accueils, écho à des problématiques très actuelles.

    Malgré l’importance des entreprises engagées sur le terrain de l’esthétique industrielle, il semble difficile de trouver des études historiques visant la compréhension des rôles respectifs des différents acteurs dans la conception et la réalisation de projets de design industriel dans cette époque de l’après Deuxième Guerre mondiale.

    Des historiens[50], qui ont travaillé sur des entreprises engagées dans l’Institut d’esthétique industrielle, m’ont dit n’avoir rien trouvé sur le sujet. J’ai pu constater même un certain étonnement de leur part lorsque je leur parlais de l’engagement des directeurs de ces entreprises dans le mouvement de l’Esthétique industrielle. Le terrain reste donc à défricher.

    2.3 « Le deuxième regard de l’historien[51] »

    Si tout projet de conception industrielle est par nature interdisciplinaire, il faudra alors s’interroger sur la façon dont une certaine pensée des usages et de l’écriture formelle propres au design ont été négociés avec des objectifs économiques et des visées sociales. Quelle formation, quelle culture, quelle philosophie du design (théories fondatrices[52], accompagnatrices, modes de discours enveloppants[53]) ont joué leur partie. Quelle vision de l’homme est au centre du projet?

    Ces questions supposent que l’historien interroge aussi les disciplines des sciences humaines qui proposent des outils de déchiffrement sur ces questions. Nous citons à titre d’exemples pour les Trente Glorieuses :

    - les travaux d’Abraham Moles qui par sa double formation d’ingénieur et de philosophe, son recours à des méthodologies transversales (phénoménologie, cybernétique) a particulièrement contribué à introduire de nouvelles approches dans le domaine du design (enseignement à la Hochschule für Gestaltung d’Ulm 1961-1968, fondation en 1966 de l’Institut de psychologie sociale et des communications à l’université de Strasbourg, introduction d’une nouvelle discipline, la micropsychologie). Il est l’auteur de plus de trente ouvrages[54] et de nombreux articles.

    - Les Mythologies[55] de Roland Barthes qui offrent un « démontage sémiologique » et une critique idéologique de la « culture dite de masse » dans les années 1950.

    - Le système des objets (1968) de Jean Baudrillard révélant comment ceux-ci « tendent à se constituer en un système cohérent de signes, à partir duquel seulement peut s’élaborer un concept de la consommation » ainsi que l’ensemble des travaux de cet auteur, portant sur la société de consommation (La Société de consommation, 1970, Pour une critique de l’économie politique du signe, 1972[56]).

    - La Société du design d’Hoffengerg et Lapidus[57] proposant une lecture critique d’une complicité design et capitalisme, dans le prolongement des polémiques sur le procès de la mode et de l’augmentation artificielle des besoins qui ont agité le monde du design dans les années 1960-70. C’est à cette époque que sort la traduction française du pamphlet de Victor Papanek, Design pour un monde réel[58], défense d’un design humaniste « soucieux des vrais besoins de l’humanité ».

    Quelles résonances ont ces discours « accompagnateurs » sur la pratique du design à un moment donné?

    Reprenant pour le design la notion d’ « enveloppements » proposée par Anne Cauquelin dans ses « théories de l’art », nous pensons que les idées véhiculées par l’opinion publique, les médias, constituent un « arrière-fond » qui façonne également une certaine manière de produire le design.

    Par exemple quel impact a actuellement l’ancienne idée de la beauté utile? L’équivalent actuel dans les médias n’est-il pas d’accorder au design le pouvoir de donner sens à notre environnement matériel ou d’apporter des solutions aux problèmes d’une planète menacée par la pollution et les déséquilibres économiques. Que reste-t-il du mythe du designer, créateur démiurge?

    Paul Ricoeur fait référence aux « invariants transhistoriques» pour mettre en évidence cette proposition que « l’histoire n’est pas seulement ce qui nous sépare du passé » (étrangeté de l’histoire) mais « c’est aussi ce que nous traversons, (…) ce qui nous rapproche de ce dont l’histoire semble éloigner[59] ».

    C’est aussi cette proposition d’une histoire reliée aux recherches et pratiques actuelles, mettant en lumière la complexité des situations, leur diversité et donc les enjeux des responsabilités, que nous souhaiterions voir émerger.

    Notes
    [1] Nikolaus Pevsner (1902-1983), Pioneers of the Modern Movement, New York, Museum of Modern Art, 1936. Réédition à partir de 1949 sous le titre Pioneers of Modern Design, trad. En français, Les sources de l’architecture moderne et du design. Sigfried Giedion (1888-1968), Space, Time and Architecture, 1941.
    [2] Éd. De Minuit, Paris, 1956, Denoël, Paris, 1991. Francastel aborde également le rôle de l’historien des techniques Lewis Mumford (Technics and Civilization, 1934 ; The Culture of cities, 1938), dans son analyse des conséquences du développement du machinisme dans la vie des hommes. Il explique la conviction partagée par l’architecte historien Bruno Zevi, Mumford et Giedion, concernant le rôle des précurseurs américains dans le triomphe d’une architecture organique.
    [3] A titre d’exemples, L’Union des Artistes Modernes (sous la direction d’Arlette Barré-Despond), Paris. éd. du Regard, 1986 ; Pierre Cabanne, Encyclopédie des Arts déco, Paris, Somogy, 1986 ; Yvonne Brunhammer et Susanne Tise, Les Artistes Décorateurs 1900-1942, Paris, Flammarion, 1990 ; Anne Bony, Les Années 40 (1985), Les Années 50 (1982) ; Les Années 60 (1983), éd. Du Regard, Paris ; Au Bonheur des formes, design français 1945-1992 (sous la direction de François Mathey), Paris, éd. du Regard,1993.
    [4] Voir les travaux de Lionel Richard, Encyclopédie du Bauhaus, Paris, Somogy, 1985 ; L’école d’ulm : textes et manifestes (collectif), Paris, Centre Georges Pompidou/CCI, 1988 ; Alain Findeli, Le Bauhaus de Chicago, Québec, Les éditions du Septentrion, 1995.
    [5] Rôle du plasticien, historien de l’art et théoricien Michel Seuphor qui publia dans les années 1920 les « documents internationaux de l’Esprit Nouveau » et fonda le groupe « Cercle et Carré ».
    [6] On pense bien sûr en particulier au rôle important joué par Le Corbusier, La Charte d’Athènes, éd. de Minuit, coll. Points, 1957 (1ère parution en 1942) ; L’Art décoratif d’aujourd’hui, Paris, Vincent Fréal&Cie, 1951 (1ère parution en 1925) mais aussi aux écrits d’André Hermant, Formes utiles, éd. du Salon des Arts ménagers, Vincent Fréal&Cie, Paris, 1959 et de nombre d’architectes et artistes engagés dans le Mouvement moderne.
    [7] Paul Souriau, La Beauté rationnelle, Paris, éd. Félix Alcan, Bibliothèque de philosophie contemporaine, 1904.
    [8] « Passé, Présent, Avenir », Esthétique industrielle, Paris, PUF, 1952, p. 13.
    [9] « Esthétique des formes », CNOF, revue mensuelle de l’Organisation, juillet 1950.
    [10] Voir par exemple les ouvrages d’Alain Touraine, Production de la société, Paris, Seuil, 1953 ; Daniel Bell, Vers la société postindustrielle, Paris, Laffont,1976.
    [11] Écrits de l’architecte Robert Venturi, des philosophes et théoriciens Michel Foucault, Jean-François Lyotard, Jacques Derrida, Roland Barthes, Jean Baudrillard…
    [12] Les groupes Archigram (1961, Grande-Bretagne), Archizoom et Superstudio (années 60, Italie) ont constitué des avant-gardes particulièrement virulentes tant par leur réflexion politique que par leur contestation du design industriel dit « classique ». [13] Raymond Guidot, Histoire du design de 1940 à nos jours, Paris, Hazan, 2004 (1ère parution en 1994 sous le titre Histoire du design 1940-1990).
    [14] John A Walker, Design history and the history of design, Chicago, Pluto Press,1989, p. 33.
    [15] Rôle du livre de Raymond Loewy, La laideur se vend mal (Never Leave Well Enough Alone, 1952), Paris, Gallimard, Coll. Tel, (1963)1990.
    [16] « La modernité française de l’entre-deux-guerres et l’esthétique de la réception », Fabienne Chevallier, dans l’ouvrage collectif, La réception de l’architecture, Image, usage, héritage, Édité par Jean-Yves Andrieux et Fabienne Chevallier, actes de la 7ème conférence internationale de do-co-mo, Université de Saint-Étienne, 2005, p. 35-51.
    [17] Maurice Daumas, L’Archéologie industrielle en France, Paris, Laffont, 1980. Jacques Pinard, Le patrimoine industriel, Paris, PUF, 1985. Jean-Yves Andrieux, Le patrimoine industriel, Paris, PUF, coll. Que sais-je? n°2657, 1992. Louis Bergeron et Gracia Dorel-Ferré, Le patrimoine industriel, un nouveau territoire, éd. Liris, 1996.
    [18] François Loyer, Le siècle de l’industrie, 1789-1914, Paris, Skira, coll. De Architectura,1983.
    [19] Jocelyn de Noblet, Design, Paris, Stock-Chêne, 1974.
    [20] Un chapitre de l’ouvrage de Raymond Guidot, Histoire du design de 1940 à nos jours, op. cit. consacre un chapitre à « la guerre comme laboratoire de la recherche technologique ».
    [21] Jocelyn de Noblet, Design Le Geste et Le Compas, Paris, Somogy, 1988.
    [22] L’exposition Design Français 1960-1990, Trois Décennies, APCI/éd. du Centre Pompidou, 1988 et les expositions thématiques sur des designers industriels (Carlo Mollino en 1989, Raymond Loewy en 1990, Jean Prouvé en 1991, Roger Tallon en 1993…) sont significatives d’une époque où, à côté des débats médiatiques sur art et design, on voit une volonté d’inscrire le design comme métier inscrit au cœur de l’univers industriel.
    [23] Ouverture d’une formation d’ingénieur-designer à l’Université Technologique de Compiègne (UTC) en 1980 par Danielle Quarante, création d’un troisième cycle en 1988. Création de CONFERE (Collège d’Etudes et de Recherches en Design et Conception de Produits) regroupant un certain nombre de laboratoires d’écoles d’ingénieurs, publication de l’ International Journal of Design and Innovation Research.
    [24] Travaux de Thierry Gaudin, ingénieur (X-Mines) menés dans le cadre des recherches en ethnotechnologie (analyse de la transformation du système technique et compréhension de l’interaction technique-société) – Ouvrages d’Yves Deforge, L’Oeuvre et le Produit (rapports entre art et technologie), Paris, éd. Champ Vallon, Coll. Milieux,1990 – Le graphisme technique (comme indicateur des relations de production qui s’établissent entre la conception et la réalisation), Paris, éd. Champ Vallon, Coll. Milieux, 1993.
    [25] Siegfried Giedion, Mechanization Takes Command, Oxford University Press Inc., New York, 1948 (traduction française, La Mécanisation au Pouvoir, Paris, Centre Pompidou/CCI, 1980.
    [26] La Mécanisation au Pouvoir, op.cit., p.21.
    [27] Op.cit. A propos de cet ouvrage, Georges Combet, directeur général de Gaz de France, très actif au sein de l’Institut d’Esthétique industrielle, consacre un court article dans la revue Esthétique industrielle (n° 23 – sept-oct. 1956), saluant une étude qui dénonce le « faux problème de l’opposition entre l’art et la technique », mais regrettant que la technique reste soumise à une approche plasticienne (p. 33).
    [28] Jacques Rouaud, Soixante ans d’arts ménagers, tome 1 : « 1920-1939, le confort » ; « 1948-1983, la consommation » ; Paris, éd. Syros Alternatives, 1989. De nombreuses expositions ont été consacrées au thème des arts ménagers. Le catalogue de l’exposition, Les Bons Génies de la Vie domestique, Paris, éd. du Centre Pompidou, 2000, apporte de nombreux éléments de bibliographie. Citons également les revues L’Art Ménager (1927-1939), devenue Arts ménagers (1949-1983) et Formes Utiles (1950-1981).Une exposition sur Formes Utiles a été organisée par le musée d’Art Moderne de Saint-Etienne en 2004.
    [29] Design, Miroir du siècle (sous la direction de Jocelyn de Noblet), Paris, Flammarion/APCI, 1993.
    [30] Références : Pierre Bourdieu, La Distinction, Critique sociale du jugement, Paris, éd. De Minuit, Le Sens Commun, 1979 ; Daniel Miller, Material Culture and Mass Consumption, Blackwell Publishers, 1987.
    [31] Wild Things, The Material Culture of Everyday Life, Berg Publishers, 2000.
    [32] La vie des objets, Paris, éditions de la MSH et Mission du Patrimoine ethnologique, collection Ethnologie de la France, 2002.
    [33] Des recherches universitaires apparaissent dans différentes disciplines, doctorat d’histoire à l’université de Caen sur l’histoire du design industriel des appareils ménagers, master recherche à l’Université de Paris 1 en histoire de l’art sur Jean Parthenay, designer chez Technès, DEA sur l’usine Gambin, menée à l’Institut d’Architecture de l’Université de Genève, Usine Gambin – Viuz en Sallaz, propositions pour la sauvegarde d’une usine verte, Marc Eudier Arch, sous la direction de Bruno Reichlin et Franz Graf, 2006). La fondation, en 1995 de l’Institut d’histoire et de théories du design (IHTD), Abbaye des Prémontrés, Pont-à-Mousson, est aussi symptomatique d’une volonté de développer une réflexion dans ce domaine. Les actes des entretiens sont publiés dans la revue Eïdès.
    [34] Il faut noter cependant l’ouvrage de Denis Huisman et Georges Patrix paru en 1961, exemplaire du cadre idéologique dans lequel s’est développé le mouvement de l’esthétique industrielle à travers l’action de Jacques Viénot, L’Esthétique industrielle, PUF, coll. « Que sais-je? », Paris, (1961) 1971.
    [35] Esthétique industrielle, n° 29, 1957.
    [36] Stéphane Laurent, L’Art Utile, Les écoles d’arts appliqués sous le Second Empire et la Troisième République, Paris, éd. L’Harmattan, 1998.
    [37] Technica, sept 1965, n° 308, revue éditée par l’Association des anciens élèves de l’École Centrale lyonnaise.
    [38] Art et Technique aux XIX e et XX e siècles, op. cit. p. 106.
    [39] « Du Comité de liaison internationale à l’ICSID », Jacques Viénot, Pionnier de l’Esthétique industrielle, op. cit. p. 119-127.
    [40] « Productivité de l’esthétique industrielle », conférence de Jacques Viénot à Liège le 9 décembre 1954, Esthétique industrielle, n° 15, avril-mai 1955.
    [41] Formes Utiles, André Hermant, Paris, éd. du Salon des Arts ménagers, Vincent Fréal et Cie, 1959.
    [42] Première publicité parue dans la revue Art présent en 1948.
    [43] Il fut également à l’origine du premier syndicat de la profession (1954), de la revue Esthétique industrielle, des premiers enseignements spécifiques de la discipline (1956) et de l’une des plus importantes agences des années 1950, Technès (1949).
    [44] Esthétique industrielle, 1er numéro, 1951.
    [45] Annexes, Jacques Viénot, pionnier de l’Esthétique industrielle, op.cit. p.159-173.
    [46] Esthétique industrielle, créée en 1951 fait suite à une précédente revue créée par Viénot Art présent (1945-1950 – 13 numéros). Esthétique industrielle publie 74 numéros entre 1951 et 1965. À partir de 1965 la revue devient Design industrie (1965-1974 – 38 numéros).
    [47] Esthétique industrielle, n° 10-11-12.
    [48] Allocution de Georges Combet au Congrès d’Esthétique industrielle de 1953, « Esthétique et Économie, relations entre l’art industriel et le principe général d’économie de moyens », Esthétique industrielle, n° 10-11-12.
    [49] Congrès de l’ICSID à Venise en 1961, Esthétique industrielle, n° 52-53.
    [50] Alain Beltran et Jean-Pierre Williot, historiens de Gaz de France, Pierre Lamard, historien de la société Japy…
    [51] Expression reprise à Edgard Morin qui parle ainsi du regard épistémologique qui saisit l’importance du présent dans la reconstruction du passé, Relier les connaissances, le défi du XXe siècle, journées thématiques conçues et animées par Edgar Morin, 16-24 mars 1998, Paris, éd. Du Seuil, 1999, p. 351.
    [52] Voir le texte de la conférence « L’Éclipse de l’objet dans les théories du projet en design », Alain Findeli et Rabah Bousbaci, communication proposée au 6ème colloque international et biennal de l’Académie européenne de design (European Academy of Design, EAD), Brême, mars 2005, sous le thème « Design-Système-Évolution ». Les lectures sémiologiques et sociologiques de l’objet et de la pratique du design font aussi partie du matériel de l’historien en tant qu’elles éclairent sur ce qui peut constituer à un moment donné l’environnement théorique de ses différentes facettes.
    [53] Nous reprenons ici la très pratique et pertinente analyse proposée par Anne Cauquelin dans Les théories de l’art, Paris, PUF, (1998) 1999.
    [54] Théorie des objets, Paris, éd. Universitaires,1972 et Psychologie du Kitsch, Paris, Denoël, 1977, ont été élaborés à partir de ses cours à la Hochschule für Gestaltung d’Ulm.
    [55] Paris, éd. du Seuil, 1957.
    [56] Paris, éd. Gallimard, coll.
    [57] Adélie Hoffenberg (historienne de l’art) et André Lapidus (économiste et sociologue), Paris, PUF, 1977.
    [58] Mercure de France, Environnement et société, Paris,1974 (1ère édition, Stockholm, 1970).
    [59] Paul Ricoeur, « Le passé avait un futur », Relier les connaissances, le défi du XXe siècle, journées thématiques conçues et animées par Edgar Morin, 16-24 mars 1998, Paris, éd. Du Seuil, 1999, p. 297-304.

    Cet article est également consultable sur le blog de Jocelyne Leboeuf, intitulé Design et histoires.


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