• Scooters au Mude – Musée du Design

    Par Jean-Louis Fréchin.

    Le Musée de la mode et du Design de Lisbonne présente actuellement une très belle exposition sur les Scooters.

    Scooter Mors, design par Jean Henri Labourdette.

    Scoot toujours….

    Le scooter est né en Italie de la reconversion par Paggio d’un stock de démarreurs de moteur d’avions et de roues de trains d’atterrissage après la guerre en 1946. Véhicule économique, plus proche de la voiture que de la moto, il reçoit le nom de Vespa, « guêpe » en italien. Il est bientôt suivi par Innocenti, entreprise métallurgiste, avec le Lambretta…

    Pas très stables, capables de transporter deux personnes et des bagages, et faciles à utiliser, de silhouette séduisante, ils remportent un immense succès à la fin des années 50, permettant l’accès à la mobilité notamment aux femmes et aux jeunes filles.

    Montrer, Mostra

    L’exposition au Musée de Lisbonne MUDE est réussie à plusieurs égards.

    Elle est basée sur la collection exceptionnelle d’un « amateur » portugais, Joao Seixas. Sa passion l’a conduit à constituer cette collection de Scooters vendu ou importé pour la plupart d’entre eux au Portugal. A partir de souvenir, des importations sur le marché portugais, la dimension nationale est donc présente, elle tisse un fil avec l’histoire du pays et des gens. Joao Seixas, homme de culture a bien connu l’icône du design portugais: Daciano da costa que j’ai eu la chance de rencontrer lors d’une conférence sur l’avenir des deux roues au Portugal…, il y a une quinzaine d’années.

    Cette exposition est aussi une histoire industrielle anglaise, allemande, française et surtout italienne mais aussi belge, portugaise, tchèque, américaine et allemande de l’est.

    La route

    La scénographie de l’architecte Frederico Valssassino est de qualité, signée et créditée. (Ce n’est pas toujours le cas dans les expositions vu cet été à Lisbonne). C’est une scénographie d’architecte: simple, routière et presque brutale (une qualité dans le contexte du Bâtiment).

    Hercules, Le designer Louis Lepoix étaient dans mon jury de Diplôme.

    « Là vai ela, formosa e segura »

    Le catalogue est de qualité et bien documenté. On y trouve textes de fonds, images d’archive et de publicités. La collection est très bien photographiée. On est au-delà du livre spécialisé d’amateur d’auto ou d’engin mécanique. C’est à un catalogue de références que l’on a affaire.

    On peut cependant regretter une approche partielle du sujet; les questions historiques, d’usages, culturelles, poétiques, littéraires et sociales du scooter sont classiquement présentées. Mais on pourrait regretter l’absence de propos sur les marques, l’industrie et l’économie, ce qui est troublant pour une exposition dans un musée de Design.

    L’exposition nous montre parfaitement que s’ils ne sont pas technologiquement exceptionnels, la prolifération de scooters dans les années 50 et 60 ans illustre vraiment ce qu’est l’innovation. Il est saisissant de voir ces scooters parfois issus de marques très petites, investir dans des outillages de tôleries conséquents ou à l’inverse produit par des carrossiers de luxes (Labourdette). Cela foisonne à l’inverse des concentrations d’aujourd’hui. Parce que Français, je suis saisi du dynamisme de ces marques oubliées: Mors, Bernardet, Terrot, Motobecane, Solex, seul Peugeot continue l’aventure de nos jours.

    On peut également apprécier talent « naïfs et frais » de ces designers, carrossiers ou illustrateurs oubliés: Louis Lepoix, Brissonet, Labourdette ou Geo Ham. Bien sur le maitres italiens sont présents, et notamment Lambretta.

    J’aime particulièrement ce scooter français Mors Speed avec son design essentiel (NoDesign). Il est proche des modèles « Ruckus » de Honda présent au Japon et en Europe.

    Histoire de collection(neurs)

    Le Mude, c’est-à-dire la Musée qui accueille cette exposition, est constitué d’un fond légué par un collectionneur exceptionnel: Francisco Capello. Cette collection est constituée de vêtement de haute couture dont beaucoup de pièces françaises et de mobiliers parmi les plus remarquables (dont un sofa de Matta étonnant).

    Cette collection errante a été chassée de son précèdent lieu d’exposition le Centre Culturelle de Belem, par l’installation d’une collection d’art contemporain privé (Berardo). Encore une tension entre l’Art et le Design, tout un symbole.

    La Mairie de Lisbonne a recueilli cette collection et lui a trouvé un écrin à sa hauteur, une ancienne banque, dont l’intérieur est à l’entre-deux d’un style année 60 institutionnel et d’un chantier non terminé. (imaginez cela à l’ancienne bourse de Paris).

    MUDE-Banco UltraMarino.

    Source Industriais culturias.

    Le Mude, dirigé par Barbara Coutinho est doté d’une magnifique collection. Il nous prouve avec cette exposition « Scooter, là vai ela, formosa e segura » qu’il sait produire des expositions de qualités. La principale de ces qualités est son enracinement dans le contexte portugais. Ce qui est une gageure dans ce pays qui n’a possédé qu’une petite fabrique de Scooters « Casal ».

    Cette façon contextuelle d’ancrer le design dans la vie et le souvenir des gens est un hommage au Design.

    On est ici à mille lieues de l’ambitieuse Expérimenta Design, la biennale « Show » qui tente de promouvoir un design de « curator » hors du contexte portugais. Barbara Coutinho réussi donc ici une magnifique démonstration du rôle possible d’un musée de design. Bravo à son équipe.

    J’ai pu faire quelques photos volées, c’est interdit… Une très aimable jeune fille ma grondé. Elle connaissait le Lieu du Design… et m’a donné les contacts pour pouvoir faire un reportage photographique. Tout étant sur internet, j’ai procédé autrement. Mais je n’ai pu résister à poster les photos volées de mes modèles préférés, qu’elle m’en excuse.

    Scooters em exposição no MUDE from Câmara Municipal de Lisboa on Vimeo.

    Dans les rues de Lisbonne

    On voyait à Lisbonne dans les rues, des scooters assez incroyables, notamment des Heinkel Tourist, Lambretta, Piaggo et autre Casal Made in Portugal dans les rues de Lisbonne au long des 26 ans que je viens ici.

    Vespa – Buick

    Scooter Casal

    Heinkel Tourist – doca de Santo Amaro

    Heinkel Tourist – Lisboa

    La Revue du Design remercie Jean-Louis Fréchin, qui nous a autorisés à publier cet article, par ailleurs paru sur le site nodesign.net.


    4 commentaires

    1. Prof Z dit:

      Excellent sujet. Merci

    2. Prof Z dit:

      Le texte de Jean Louis Fréchin est intéressant. Il semble préférer une exposition « qui ancre le design dans la vie et le souvenir des gens » à « un design de curator hors du contexte » national. Il est vrai que j’ai du mal à suivre Expérimenta Design et que je suis avec une plus grande attention le design de « curator » des deux musées de design de New York qui mélangent avec brio contexte et prospective.
      Je trouve que faire une expo monographique de designers connus comme au Centre Pompidou (Starck, Arad, Jouin) est aussi facile à faire qu’à partir d’une collection privée de scooters, de velos ou de voitures …
      Je préfére, au miroir, l’ambition et la saine prétention des curators du Moma et de Vitra. Il en est d’autres qui en se voulant trop brillants, trop élitistes, trop proche de « l’art à l’état gazeux » sont bien plus confus, bien moins éclairants… car souvent ils font comme les politiques , ils nous font croire qu’ils maîtrisent des sujets complexes pour justifier leur fonction…

    3. Prof Z dit:

      Jean Louis Frechin fait le grand écart entre les valeurs de réassurance des objets usés, mythiques, iconiques du XX et le design des objets communicants du MIT ou d’ailleurs qui devrait être notre avenir américanisé du XXI.

      http://www.nodesign.net/blog/entretiens-du-nouveau-monde-industriel/

    4. Prof Z dit:

      Comme j’ai l’esprit mal tourné , je me suis dit pourquoi Jean Louis frechin a trouvé cette idée de journaliste hors de son champ numerique : faire un article sur une expo de scooters au Portugal …. La réponse est peut être dans cet article de 2001 sur son parcours portugais.
      http://www.nodesign.net/blabla/prox/Le%20Monde%20Interactif.htm

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