• Interview: Karim Zaouai

    Nous poursuivons notre série d’interviews en interrogeant cette semaine un jeune designer, Karim Zaouai, diplômé de l’ENSCI en juin 2010 et déjà remarqué pour quelques uns de ses projets parus dans la presse ou sur le web.

    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation et votre parcours professionnel?
    J’ai passé un bac littéraire arts plastiques, puis j’ai effectué une mise à niveau en arts appliqués. J’ai ensuite intégré l’Ecole Nationale de Création Industrielle où je suis resté 6 ans et demi. J’y ai travaillé sur différentes projets, partenariats et workshop avec Tefal, Minatec Ideas Lab, Pyrex… J’ai aussi effectué deux stages: un dans l’agence de graphisme C-Album chez Laurent Ungerer et un autre chez Normal studio. Ce fut très formateur. J’ai ensuite passé mon diplôme de fin d’études avec un Mémoire intitulé “L’outil dans la démarche” sous la direction de Laurence Salmon et mon projet personnel final avec Jean François Dingjian (Normal Studio).

    Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous en ce moment?
    Je dessine depuis deux ans au sein de l’agence Nathalie Crinière le mobilier intérieur du Louvre qui va ouvrir à Abu Dhabi en 2013. Je travaille également avec Marie Aurore Stiker Metral, elle aussi designer formée à l’Ensci. Je travaille aussi sur divers projets avec Laurent Ungerer, principalement pour des institutions comme la BNF où le centre Georges Pompidou. En parallèle à ces collaborations, je développe des travaux de recherches en objets analogiques et numériques, que je compte proposer à des marques.

    Combien de personnes compte votre agence?
    Je suis designer freelance.

    Quelle est votre méthode de travail habituelle?
    Soit le projet part d’une commande de client, soit il s’agit d’une initiative personnelle. Il n’existe pas de méthode type, mais le but est de proposer des objets toujours novateurs, ou du moins astucieux qui vont se démarquer des objets existants. L’usage est au cœur de mes préoccupations. Les outils utilisés varient selon le projet. Mais un bon projet ne peut faire abstraction du maquettage et du prototypage. Les logiciels sont des outils de conception qui ne doivent en rien niveler la force du concept et de l’idée de base.

    Fréquentez-vous les blogs et sites Internet consacrés au design, et si oui lesquels?
    Designboom reste la référence la plus complète en matière de blog design/objet. Le site internet objetgraphik est aussi un très bon rapport des activités des designers et graphistes contemporains.

    Y a-t-il un ou plusieurs designers, ou créateurs, qui vous inspirent au quotidien?
    Je ne suis pas inspiré par des designers directement. Plus par des illustrateurs, des photographes… Des métiers différents du mien. Le cinéma d’animation et la bande dessinée m’aident à trouver des idées. Mais j’admire le travail de personnes qui ont écrit l’Histoire récente du design comme Dieter Rams, Hans Gugelot ou Enzo Mari. J’aime aussi le travail des anglais Sam Hecht, Jasper Morrison ou encore Barber et Osgerby. Ou encore du japonais Naoto Fukasawa. J’aime l’esprit de concision de ces gens, où l’usage est vraiment réfléchi.

    S’il y avait une chose à changer dans le design?
    Le design produit trop d’objets, trop vite. Il devient de plus en plus victime de la mode et des tendances. Beaucoup se prétendent designers. Les médias ont poussé les gens à s’improviser créateurs industriels, malheureusement. Je leur reproche la “starification” de la profession. Il s’agit d’un métier à part entière. De plus, les logiciels ont faussé la perception de ce métier. Faire de la modélisation 3D ne signifie en rien savoir dessiner des objets. Mais il ne faut pas croire pour autant que ce métier va changer le monde. Au mieux, il va (à son échelle bien entendu) aider à améliorer notre quotidien, rien de plus.

    Quelle est la commande que vous aimeriez vous voire confier?
    J’apprécierais de travailler dans le développement d’une nouvelle marque de montres et d’horloges. Ce sont des objets que j’affectionne particulièrement. Mais j’aimerais aussi travailler sur des objets à la frontière entre analogique et numérique.

    De votre point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui?
    J’aime ce métier et je ne me vois rien faire d’autre. On travaille en permanence sur des projets et des univers très variés. Rares sont les métiers où l’on apprend en permanence. Cette profession est récente, donc je reste assez positif quant à son avenir. Ce n’est que le début. Le design cependant doit arrêter de se regarder le nombril et plutôt chercher à servir les gens, c’est son objectif premier.

    Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que vous auriez envie de partager avec nous?
    Ce que j’aime, c’est la créativité. Les films de science-fiction sont des viviers intarissables. Le film “Children of Men” regorge de bonnes idées et est une projection très réaliste de ce vers quoi le monde des objets tend. Le manga “Amer béton” est un chef d’œuvre de couleurs, d’idées, de finesse graphique. J’ai sinon récemment lu “Le principe de Peter”, un livre qui permet de relativiser le monde l’entreprise, et qui prouve que nul n’est indispensable dans son métier, surtout s’il s’obstine à atteindre un poste toujours plus haut, qu’au final il n’arrivera pas à assumer.

    —–

    Quelques projets de Karim Zaouai:


    Tablette de chocolat 1785 mm3. En apparence, chaque carreau est différent. Mais quel que soit le morceau choisit, il contient la même quantité de chocolat : 1785 mm3.


    FerroWatch. Montre fonctionnant avec du ferrofluide. L’heure, informe et liquide, se fige dans l’espace lorsqu’on incline le poignet grâce au magnétisme interne du boitier.


    Livre numérique en epaper. Ce projet questionne notre rapport entre le numérique et l’analogique. Il met en avant l’intuitivité des interfaces et notre rapport aux objets concrets.


    Tuiles. Le dessin de ces tuiles est obtenu par l’observation de l’écoulement naturel de l’eau sur des parois. Le motif permet selon son agencement d’orienter l’eau ou de la répartir de manière uniforme et ainsi d’éviter la stagnation.


    Identité visuelle de l’École Nationale Supérieure de Création industrielle. L’acronyme est un objet en volume filaire qui devient lisible par anamorphose. Le logo a été décliné sur différents supports : carte étudiants, scotch, stylos…

    Photos et visuels © Karim Zaouai

    Pour en savoir plus: www.karimzaouai.com.

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    20 commentaires

    1. maupado dit:

      Très bonne idée, cet entretien! :-)

    2. La Revue du Design dit:

      Oui, une très bonne idée ;)
      Merci

    3. jean sebastien dit:

      Oui, si les jeunes pigistes et les bloggeurs ont trouvé ces projets intéressants, c’est une référence.
      Et les décideurs? Quelles réactions? On peut trouver les produits présentés ici dans quelles boutiques ou magasins? Combien d’exemplaires vendus?

    4. waldezign dit:

      L’aspirant stardesigner archetypal: que des projets futiles et inutiles pour se faire connaître (et ça marche). Des réponses attendues (mais que dire d’autre: la grande consommation c’est pas bien, la mode c’est pas bien, ya trop de designers qui sont même pas des vrais alors que moi si, les designers stars c’est pas beau, etc…).
      N’y aurait-il pas moyen d’interviewer pour une fois des designers de l’ombre, qui bossent au quotidien dans des boîtes pas faciles au milieu d’ingénieurs surmelonisés et de marketeux touchés par la grâce divine, sur des vrais produits industrialisés et utilisés?
      Non, pas moi, merci, je me surprendrais peut-être à faire des réponses aussi stupides (la 3D, c’est caca, etc…)
      Je suis méchant, mais je le sais!

    5. waldezign dit:

      Désolé, je suis un peu énervé aujourd’hui. :)

    6. maupado dit:

      Les designers de l’ombre? et d’abord comment interroger quelqu’un qui est dans l’ombre?
      mhhh?
      Bon, on a compris, mais quoi, C’est pas l’Usine Nouvelle, ici, et si c’est pour lire les jérémiades à propos des ingénieurs et des marketeurs, comme si on le savait pas, merci! Pourquoi pas les lamentations parce que c’est toujours en zone péri-urbaine et qu’il faut se fader les trajets que c’est long et pénible surtout si fait pas beau?
      En tant que consommateurs, on est déjà obligés de se les taper au quotidien, les « vrais produits industrialisés », les aspirateurs dessinés comme des moulins à café, des tableaux de bord de bagnoles ou des sièges de dentiste, tous hyper saturés d’ergonomie bidon et de signalétique à la noix et chargés à bloc de « l’identité de la marque », avec des gros boutons verts, bleu, orange, ou va savoir comment si c’est la mode du moment et qu’il faut la suivre, sans compter les plastiques à la con qui imitent le plastique…
      Rien à branler du design de l’ombre. Et surtout, surtout, rien à branler du design de l’utile sur décrêt.
      Je veux du concret intelligent mais je veux aussi du jeune qui se la pète en rêvant, je veux du futile et du dérisoire, je veux de l’idée sans contrainte, je veux du rêve sans objectif, de toutes façons ils crèveront tous et Dieu reconnaîtra les siens.
      Quant aux génies méconnus qui fréquenteraient éventuellement ces officines de l’ombre et de l’ennui, ils n’existent pas, ça se saurait.
      s’énerver? et pourquoi pas?

    7. jean sebastien dit:

      @waldezign;

      + 1000. Bravos.

      Ils sont produits à la chaine. Mais, je pense que l’on nous fait l’obligation de les admirer!!!!
      Enfin, ce sont les nouveaux hommes de maison. Les gendres parfaits.

    8. La Revue du Design dit:

      Bonjour Jean Sébastien.

      Que d’agressivité…

      Ne partageons tous pas un intérêt pour la même discipline ? Et le fait qu’elle s’exprime à différents endroits et de différentes manières n’est-t-il pas une qualité plutôt qu’un défaut ?

      Pour revenir à cette interview, l’idée de cette série de rencontres avec différents designers est justement de proposer un panels de profils différents, afin de refléter un état assez large de la pratique de cette discipline aujourd’hui, au travers de ceux qui la font.

      Nous avons essayé, et nous essaierons encore, de présenter des travaux de designers jeunes ou moins jeunes, liés à l’industrie ou explorant un travail plus personnel, etc. D’autre interviews (certaines sont en préparation d’ailleurs) viendront, où des personnes travaillant directement avec ou dans l’industrie parleront de leur(s) métier(s).

      Une remarque cependant: parmi les différents designers « industriels » que nous avons contacté, peu ont répondu. Nous remercions sincèrement ceux qui l’ont fait, mais parmi les autres, n’y aurait-il pas justement un travail de communication à faire s’ils souhaitent à tout prix que l’on comprenne mieux leurs approches, leurs contraintes, etc. Si vous en connaissez certains, sachez en tout cas qu’ils sont les bienvenus.

      AC

    9. waldezign dit:

      Après, on peut toujours en revenir à la question: qu’est-ce qu’un designer? et ça peut durer des heures sans arriver à une définition. Un débat vain, donc.

      Personnellement, j’aborde souvent, à tort peut-être, les articles de ce type de blog sous l’angle du Design Industriel, probablement par egocentrisme, c’est à dire vrai le seul qui me concerne.
      J’ai plus de mal avec le Design « plus personnel ». J’appelle ça du bricolage, mais ne revendique pas la bonne foi!

      De mon point de vue, un produit fortement marqué par le design peut tout à fait se vendre en supermarché. Mais il y en a rarement plus de 2 dans un même rayon!
      Je prends pour exemple un mixeur à soupe (ou purée) Philips Billy acheté il y a douze ans dans une vile boutique d’électroménager bien connue. Ce produit est merveilleux en plus d’être beau, il est toujours aussi efficace malgré des années d’usage et je ne suis pas sûr de pouvoir exprimer de la meilleure façon la satisfaction que j’éprouve à chaque fois que j’utilise… que dis-je, à chaque fois que je le vois, puisqu’il est suspendu au yeux de tous dans ma cuisine, comme un trophée!
      Qui est le designer qui a dessiné ou supervisé le design de cette merveille? Je n’en sais rien. Quelle est sa vision du monde, du métier? ça m’est un peu égal… Comment a-t-il eu cette idée, quelles difficultés a-t-il rencontré sur ce projet, comment les a-t-il contournées? ça, ça m’intéresse!

      Evidemment, c’est un exemple.

    10. maupado dit:

      Les désirs sont multiples et s’affirment avec plus de force quand on emploie la première personne. A chacun ses outils, ici, le « je » employé n’était que rhétorique. Cela dit, « je » ne suis pas designer, « je » n’avance pas pour autant masqué, mais du design, j’en vois tous les jours, comme tout le monde.
      Et si j’en parle, c’est à ce titre: je suis n’importe qui.
      Quand AC nous dit que les designers industriels manquent à l’appel, on doit pouvoir le croire.
      Puisqu’il le suggère, en voici donc un, jeune, dont on verra qu’il explore bien des territoires, aussi bien celui de l’objet « bricolé » que celui de la haute technologie, et qu’il s’intéresse à l’essentiel comme à l’accessoire:
      http://www.agence-360.com/

    11. jean sebastien dit:

      @ maupado;

      Il est ou, ce jeune designer industriel dont tu parles?

    12. maupado dit:

      @jean sebastien: le lien ne fonctionne pas? n’apparait pas?
      bon, jeune, tout est relatif…
      Patrick Jouffret
      360
      6, rue Adolphe Guiol
      83000 Toulon
      T. (33) 9 64 49 11 46
      Fax. (33) 4 94 75 04 81

    13. Prof Z dit:

      ….carré de chocolat de 1785 mm3 pourquoi?

    14. Prof Z dit:

      Tuiles. Le dessin de ces tuiles est obtenu par l’observation de l’écoulement naturel de l’eau sur des parois…. bien vu mais quid de l’air, du vent, de la prise au vent, des feuilles, des brindilles etc…?

    15. Prof Z dit:

      un livre numérique en epaper se lit il aussi vite qu’un livre sur papier et plus vite qu’un livre sur écran?

    16. Jesse dit:

      @maupodo
      merci pour le lien. J’avais vu ce jeune designer aux étoiles du design. Pas aimé du tout. En regardant son site à nouveau, je me rends compte que mon jugement est à nuancer.
      D’accord avec toi sur le reste, mais je préfère quand même les réactions de Walldesign!
      Quant à Karim, ce qu’il montre sont des projets d’écoles, qui valent beaucoup mieux que bien des travaux d’élèves vus ailleurs. Évidemment, il serait plus intéressant de savoir comment se passe son travail chez NC. Il pourrait notamment nous avertir du chant des sirènes émiraties et des dangers que cela comporte. Mais bon, il est surement pas encore allé voir un chantier là-bas. Bien du courage, Karim!

    17. Prof Z dit:

      Je suis d’accord avec Jesse et Waldezign … et à un degré moindre avec Maupado Pour l’instant ni les uns ni les autres ne sont sur mes tablettes , dans mes listes pour plusieurs raisons.
      1/Il y a beaucoup de jeunes designers.
      2/ Pour y être il faut être innovant dans tous les sens du terme et surtout expliquer les projets nouveaux lancées en pâture dans les blogs de deco et de design . S’il y a un concept , il faut le clarifier , le plus precisément possible, indiquer les materiaux uilises, le statut de l’objet. Si c’est juste une forme 3D pour faire joli, cela ne m’interesse pas. Si c’est pour faire une interview alors qu’on a pas de vision , de territoire,de projets validés, cela ne sert à rien. C’est même contre productif…
      Patrick Soufflet soutenu par Jean Yana de Marseille sur son blog et ici par Maupado, de Marseille …. Ailleurs, c’est plutôt moins solidaire, plus ego perso Si ça continue comme ça Marseille Toulon va devenir le nouveau Eindhoven
      http://deco-design.biz/patrick-jouffret-interviewe-par-deco-design/4746/

    18. La Revue du Design dit:

      Bonjour à tous.

      @ Prof Z: dans votre dernier commentaire, vous souhaitiez certainement évoquer Jo (et pas Jean) Yana et Patrick Jouffret (et pas Soufflet) !

      Au sujet de ce dernier designers d’ailleurs… plus d’informations – et une nouvelle interview – sont à venir mercredi sur ce site.
      (Et si celle-ci ne vous convient pas non plus Prof Z, et bien… tant pis !)

      Merci encore, en tout cas, à tous les designers qui se prêtent au jeu de nos questions-réponses, et qui nous permettent d’en savoir plus sur leur(s) vision(s) et leur(s) pratique(s), forcément kaléidoscopiques et complémentaires, du design.

      AC

    19. Prof Z dit:

      @ Alexandre,
      Vous avez la liberté éditoriale totale dans votre blog mais les commentaires ne sont pas un courrier des lecteurs de journal dans lequel vous faites un shopping pour finalement arriver à renforcer vos choix. Ils peuvent exprimer d’autres positions que les vôtres et que celles de votre garde rapprochée. Je veux dire ce « décorateur textuel  » qui se laisse aller quelquefois à des » rien à branler du design de l’ombre  » et qui se permet avec votre accord des attaques d’une férocité d’arène romaine. A moins que votre objectif soit le cirque médiatique avec permis de tuer virtuellement, ceci me semble incompatible avec votre positionnement d’agrégateur de penseurs du design….et d’exploreur des differents champs du design ( il reste beaucoup de champs du design que vous n’avez pas encore exploré).
      Jouffret et Zaouai sont bien « des designers de l’ombre » et d’abord comment interroger quelqu’un qui est dans l’ombre?mhhh? » Le Lion sanguinaire se mord la queue….

    20. La Revue du Design dit:

      @ Prof Z:
      Le mode de fonctionnement que j’entends conserver au niveau des commentaires de lecteurs vous a été de nombreuses fois expliqué.
      Il ne semble pas vous convenir, j’en prends note.
      C’est pourquoi, à compter de ce jour, vous comprendrez que, afin d’éviter d’avoir à répéter sans cesse les mêmes choses, je ne publierai plus vos commentaires.
      Bien à vous!
      AC

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