• L’objet en question(s): un Dépose Bagage Automatique pour ADP

    La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs: l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux…

    Ce mois-ci, Samuel Accoceberry nous en dit plus sur la conception d’un Dépose Bagage Automatique qu’il a conçu, avec les designers Olivier Beune et Filipe Da Costa, pour ADP. L’occasion d’en savoir plus sur le développement de ce type de projets, marqués par de fortes contraintes techniques.

    Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots?
    Il s’agit d’un Dépose Bagage Automatique qui permet aux voyageurs d’enregistrer leurs bagages en toute autonomie.
    A l’avenir, il y aura de plus en plus de voyageurs qui prendront l’avion. Par conséquent, il faudra gérer le flux et les diverses actions de contrôles à effectuer sur les étapes liées à l’enregistrement.
    Cette machine a été imaginée pour enregistrer un bagage en 30 secondes, très simplement: il suffit de scanner sa carte d’embarquement, préalablement imprimée, de déposer sa valise dans la concavité de la machine et d’y placer une étiquette. Des capteurs la calibrent, la pèse. Si elle correspond aux contraintes définies, la porte alors se ferme et le bagage est ensuite redirigé automatiquement vers le circuit traditionnel des tapis roulants, où il sera inspecté et sécurisé avant son embarquement dans la soute de l’avion.
    Ce système n’a pas pour but de se substituer à l’homme mais d’offrir une aide parallèle. Les personnes qui sont amenées à voyager souvent se l’approprieront certainement plus rapidement, mais son ergonomie logicielle simplifiée permet de faciliter la compréhension d’utilisation et de préserver l’utilisateur du stress lié au départ.
    Cette solution indépendante peut être facilement déplacée, disposée de manière seule ou en bataille dans les espaces aéroportuaires. L’idée des ADP est de la proposer comme une solution libre-service aux diverses compagnies aériennes. On pourrait la retrouver ainsi dans divers aéroports en France mais aussi peut-être à l’étranger.

    Comment ce projet vous a-t-il été confié?
    Les ADP ont mis en place, depuis 3 ans, un programme de démarche d’innovation majeure dans lequel s’inscrit ce projet. Les départements d’architecture et d’ingénierie font partis des principaux acteurs entre autre, ils ont créé une cellule qui avait avancé techniquement sur ce projet depuis quelques mois.
    Cependant, ils recherchaient une entité design capable de mettre en forme, de synthétiser toutes les problématiques, mais aussi d’articuler les différents aspects pluridisciplinaires que peut comporter un projet de ce type, le tout d’une manière accessible et innovante.
    Nous avons été sollicités directement par eux, de part notre expérience en termes de design global. Nous, car nous étions un groupe de 3 designers sur ce projet – Olivier Beune, Filipe Da Costa et moi-même – (nous partageons souvent quelques projets ensemble, de manière coopérative).

    Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet?
    Il y avait énormément de contraintes autour de ce projet. L’une des principales était de proposer un design qui rassure, innovant et facilité par une ergonomie ultra-simplifiée. Cela permettait de mettre en avant la notion de service et de rassurer l’utilisateur qui est souvent dans un état anxiogène avant un départ. D’où notre proposition, comportant un pupitre simple, une ergonomie logicielle claire et lisible, une insonorisation optimisée, un hublot de manière à voir le bagage partir, un espace avec la machine à la fois isolé, rassurant et qui permette le mouvement, un temps de traitement de l’enregistrement le plus court possible.
    Mais il fallait aussi prendre en compte toute les problématiques liées à un espace publique comme celui d’une zone aéroportuaire. C’est à dire la sécurité (ne pas créer de recoin où un sac pourrait être oublié), faire en sorte que la machine résiste au vandalisme, qu’elle répondre à la problématique de maintenance quotidienne et qu’elle puisse s’intégrer facilement dans différents environnements architecturaux.
    De plus, dès les premières phases du projet, nous avons pris comme contrainte les besoins et attentes des voyageurs handicapés en fauteuil. Car cette machine est là pour fournir un service autonome à tous les voyageurs.

    Quel était votre concept ou votre idée de départ?
    Il y avait deux points importants à respecter selon nous. Le premier était de proposer un système efficace, rassurant et disposant d’une ergonomie simple. La seconde était de proposer un design innovant, à la fois identifiable et qui invite au voyage de demain. Tout cela dans le but de créer un projet emblématique suscitant le confort d’utilisation et le sentiment d’innovation technologique, voire prospectif pour la marque également.

    Pourquoi le projet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux?
    Nous sommes partis d’une architecture de la machine déjà développée par les ADP, il fallait donc l’habiller en répondant à toutes les contraintes.
    La forme générale de la machine était déjà assez imposante, nous avons donc cherché à la diminuer et à la rendre la plus « conviviale » possible. C’est pour cela qu’elle est assez douce et en rondeur.
    Une autre solution, toujours pour diminuer cet aspect tout en soulignant la simplicité, était de mettre en avant les organes principaux vers lequel doit se focaliser l’utilisateur, c’est-à-dire le pupitre et la niche dans lequel il disposera le bagage. C’est pour cela que nous les avons traité d’une manière plus forte. Le voyageur stressé a un champ visuel réduit, il fallait que la couleur soit évidente, d’où le rouge.
    Le pupitre suspendu en L par rapport au bloc machine permettait de faciliter l’accès pour les handicapés, ainsi que les manipulations de bagages.
    L’ensemble est réalisé dans une coque résine renforcée résistant au vandalisme et aux chocs des chariots de voyageurs.

    Qui étaient vos interlocuteurs chez votre client, et avec qui avez-vous du collaborer?
    Nous travaillions à l’origine avec le département d’ingénierie mécanique et le département architecture et aménagement intérieur des ADP. Cependant, le projet ne se limitait pas seulement à ces aspects, et des spécialistes d’ingénierie électronique et d’exploitation ont également été consultés.
    A l’image du projet, le dépose bagage automatique n’est qu’un organe extérieur de tout un système d’exploitation aéroportuaire derrière lequel différents systèmes œuvrent pour que tout se passe dans des conditions les plus optimales et sécurisées possible.
    Nous avons donc constitué une cellule de travail composée de designers (Olivier Beune, Filipe Da Costa et moi-même), d’ergonomes (Studio Ergonomie – Soizick Berthelot), d’ergonomes logiciels (NCI Studio) ainsi que d’une société de développement de solutions de systèmes mécanisées pour les besoins aéroportuaires (ALSTEF). Cela nous a permis de pouvoir commencer à échanger avec les ingénieurs mécaniques, informatiques et d’exploitation des ADP.

    Au total, combien de personnes ont travaillé sur ce projet?
    Dans la première cellule de travail, qui concerne seulement l’étude, nous étions environ 18. Ensuite se sont rajoutés les ingénieurs d’ALSTEF, qui ont développé le prototype avec une autre société spécialisée, D3. Donc au total, environ 25 personnes ont travaillé sur ce projet.

    Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées?
    L’une des principales difficultés était que les ingénieurs poursuivaient leur travail d’avancement sur la machine et que cela conditionnait bien sûr pas mal de modifications sur les étapes de design. En essayant d’optimiser au mieux la convergence méca/design, nous avons fini par trouver des compromis qui nous ont semblés optimum comme solutions au projet.
    Une autre problématique était que n’importe quel organe interne devait être facilement accessible de l’extérieur pour des besoins de maintenance, et que l’ensemble devait être démontable facilement dans le but d’être déplaçable du zone à une autre, car cette solution est complètement autonome par rapport à l’exploitation générale d’un aéroport.

    Sur combien de temps s’est déroulé ce projet?
    Ce projet a commencé environ un an avant que l’on prenne la main en termes de design (le bureau d’ingénierie des Aéroports de Paris planchait depuis 2008 sur une solution mécanique automatique efficace et à la fois très rapide).
    Dès que nous avons été sollicités, nous avons alors constitué une cellule d’étude composée de différents profils comme je l’ai expliqué précédemment.
    Ensuite les choses sont allées finalement assez vite pour un projet de ce type, puisque il nous a fallu environ 1 an et demi pour développer le design avec toutes ses contraintes et mettre en place le premier modèle fonctionnant à l’état de prototype, que l’on peut voir en activité depuis fin novembre 2011 à Orly.

    Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet?
    Lors du développement d’un projet de ce type, pour respecter un délai assez court, tous les départements évoluent en parallèles. Ce qui a pour conséquence que les paramètres techniques, ergonomiques, mécaniques par exemple changent constamment. C’est relativement complexe à gérer pour qu’un design semble cohérent et efficace à la fois.
    Cependant, je trouve que notre proposition optimise l’ensemble des contraintes définies et répond bien à sa fonction. Ce que nous changerions peut-être, ce ne serait pas le projet design en soit, mais le fait d’intervenir plus en amont du projet avec le département ingénierie pour développer une architecture qui nous aurait permis d’être plus compacte par exemple, avec une autre ergonomie en conséquence. Des solutions étaient possibles mais le temps a défini des postures techniques et des choix.

    Et pour finir, où en est ce projet?
    Ce projet est en phase de test pour 6 mois environ au près des voyageurs à Orly ouest. Cela permettra d’analyser différents paramètres concernant les retours d’utilisateurs et également les comportements techniques sur la durée. Pour l’instant les choses fonctionnent très bien.
    Prochainement, 4 autres serons installées à Orly et une dizaine à Charles de Gaulle dans le courant de l’année 2012. Elles seront estampillées Air France. Mais cette solution intéresse d’autres compagnies aériennes. C’est son but.

    Quelques images du projet:


    2 commentaires

    1. NCI dit:

      Une petite vidéo intégré à l’interface Homme-Machine conçu par NCI studio.

      http://vimeo.com/33712019

    2. La Revue du Design dit:

      Merci beaucoup :-D

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