• Rencontre avec Lisa Lejeune qui nous présente la belle initiative de l’Atelier Emmaüs

    Dessinées par la designer Lisa Lejeune, les créations de l’Atelier Emmaüs sont fabriquées par des personnes éloignées de l’emploi, à partir de rebuts de mobilier des communautés Emmaüs ou de chutes industrielles. Présent sur le salon Maison et Objet ainsi qu’à la Paris Design Week, l’Atelier Emmaüs veut redonner vie à la matière en utilisant l’artisanat comme le levier d’insertion professionnelle. Rencontre avec Lisa Lejeune qui nous parle de ce très beau projet :

    Pourriez-vous nous expliquer quel concept se cache derrière l’Atelier Emmaüs ?
    L’Atelier Emmaüs est une jeune maison d’édition française d’un nouveau genre. Comme beaucoup de maisons d’édition, nous fabriquons et commercialisons du mobilier et des objets de design contemporain à destination des particuliers et des professionnels……….et nous faisons partie du mouvement Emmaüs.

    Nous avons 2 caractéristiques : un engagement social et un impact environnemental.

    Tous les modèles et projets dessinés par nos designers sont fabriqués par des artisans-apprenants, à qui nous proposons d’acquérir les savoirs-faire nécessaires. Ils sont soit compagnons d’Emmaüs, soit accueillis dans d’autres structures de l’action sociale, des personnes très éloignées de l’emploi. Leur parcours à l’Atelier Emmaüs leur permet donc de développer l’estime d’eux-mêmes et leur donne la possibilité de se projeter dans un avenir professionnel.

    Nos gammes d’objets sont fabriquées avec des matériaux bois prélevés dans les gisements de rebuts mobiliers d’Emmaüs, ainsi que des chutes industrielles. Nos créations s’insèrent ainsi dans le cycle vertueux de l’économie circulaire. Dans la tradition de l’activité d’Emmaüs qui réhabilite les objets de seconde main, il s’agit ici de valoriser la matière tout en valorisant les personnes : l’artisanat et le design, comme leviers d’insertion sociale et professionnelle !

    Comment s’est déroulée votre collaboration avec les équipes d’Emmaüs pour ce projet?
    Guillaume Poignon, le créateur de l’Atelier Emmaüs a travaillé plusieurs années à Emmaüs France. Aussi les premiers contacts se font fait tout à fait naturellement, car Guillaume connait très bien les actions et l’organisation de l’immense mouvement Emmaüs.

    Nous travaillons mains dans la mains avec les communautés Emmaüs où sont hébergés les compagnons d’Emmaüs qui sont nos artisans-apprenant.

    Nous sommes un « atelier-école » mobile : nous nous déplaçons dans les communautés et nous formons sur place ceux qui souhaitent acquérir de nouvelles compétences qui pourront leur servir au sein des communautés (réparation, customisation, recréation…) ou à l’extérieur pour retrouver peut-être un emploi. Nous alternons les temps de formation et de production et nous emmenons aussi les artisans-apprenant sur les chantiers de pose d’aménagement intérieur. Ils découvrent ainsi tous les rouages du métier !

    Le but est aussi de recréer des ateliers artisanaux dans les communautés d’Emmaüs de France, l’artisanat étant un formidable outil pour réhabiliter les objets et pour aider à la restauration de l’estime de soi.

    Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette démarche ?
    En tant que designer, c’est une immense joie de mettre ses compétences au service d’un projet avec un impact social et un impact environnemental aussi fort.

    Le travail de design réside évidemment dans les aspects esthétiques, l’image de l’objet, il s’agit de le rendre le plus désirable possible, mais au delà de ça, il réside aussi dans le process de fabrication et son application pédagogique. Il s’agit de dessiner des meubles qui sont le support d’un parcours de formation qui monte en compétences au fur et à mesure, il faut donc tenir compte de la façon de fabriquer, avec des personnes en cours d’apprentissage, on ne dessine pas les mêmes choses que lorsqu’on fa­brique en série avec des machines semi automatisées.

    Tout une gamme de meubles viendra compléter les étapes d’apprentissage et seront proposés sur le site web d’ici début 2018.

    A quels enjeux et contraintes avez-vous du faire face ?
    Des contraintes on en a pas mal ! (sourire)

    Déjà un enjeu pédagogique/économique, comme je viens de l’expliquer. Il faut faire attention à trouver un juste équilibre entre temps de production qui permet d’être à l’équilibre économiquement et le temps d’apprentissage. Chaque personne accompagnée a une histoire différente et des capacités différentes et donc un rythme différent à bien prendre en compte pour qu’elle se sente bien.

    Nous faisons face aussi à des contraintes de matériaux. Les matériaux qu’on trouve le plus dans les bennes et avec lesquels on travaille, ce sont des panneaux de bois: particules et contreplaqués beaucoup, un peu de massif…mais surtout de l’aggloméré mélaminé ou stratifié.

    On ne choisit pas la couleur, l’aspect des panneaux. On fait avec le gisement de rebuts qu’on a devant nous.

    Pour la première collection avec l’équipe de designers, on a décidé de garder les chants des meubles bruts, pour parler de la matière récupérée de façon assumée et afin d’ajouter le moins possible de matière neuve. On a aussi travaillé les couleurs, les motifs et la gravure. Et tout ça en gardant à l’esprit l’enjeu pédagogique : par exemple, la gravure est obtenue avec une fraiseuse numérique assistée par ordinateur, de petite taille, extrêmement intuitive et qui fait partie également du parcours de formation des apprenants, leur ouvrant aussi les premières portes vers l’artisanat numérique.

    Et puis il va falloir qu’on soit convaincant auprès de nos futurs clients, pour expliquer notre singularité.

    Chez Emmaüs il y a des objets de secondes main, des objets rénovés, customisés, détournés. Aujourd’hui il y a aussi des meubles dessinés par des designers à partir de matières de réemploi.

    Quand on achète un meuble Henri, on a chez soi un meuble dessiné par un designer et on participe aussi à ce nouveau projet de société plus éthique, plus durable et plus humaine. Nous avons une phrase fétiche à l’Atelier Emmaüs: « nous avons toutes les ressources nécessaires pour que chaque personne sur cette planète trouve sa place et s’épanouisse. »

    Comment s’effectuera la commercialisation des pièces?

    Elle se fera pour le moment par le web sur le site www.atelier-emmaus.org, grâce à la nouvelle plateforme de vente en ligne d’Emmaüs : LABEL EMMAUS.

    Nous sommes soutenus par des boutiques lyonnaises (et bientôt parisiennes) qui exposent les petits meubles Henri, pendant les campagnes de vente, afin que nos clients puissent les voir, les toucher.

    Pour ce qui est des commandes professionnelles en sur-mesure et aménagement d’espace, il suffit de nous contacter via notre adresse mail.

    La présentation des collections « Morceaux Choisis » et « Gravée » se fera lors du Salon Maison&Objet et de la Paris Design Week. Est-ce que le choix d’intégrer ces événements phares du secteur a pour vous une symbolique particulière ?
    C’est primordial. C’est plus qu’une symbolique, ça fait partie des enjeux.

    On est persuadé que faire du « beau » aide à la résilience. Le « beau » s’insinue dans nos cellules, crée de la sérotonine et rend heureux, fier de soi.

    L’Atelier Emmaüs est là pour faire des ponts, et notamment celui entre deux mondes absolument compatibles : le design de mobilier d’édition et l’action sociale.

    C’est par cette mixité qu’on s’enrichit et qu’on avance.

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    1 commentaire

    1. La Revue du Design » Blog Archive » [INTERVIEW] : la designer Eugénie deLarivière nous présente le projet les Résilientes X Emmaüs Alternatives dit:

      [...] A noter qu’Emmaüs n’en est pas à son coup d’essai dans le design. Il y a quelques mois, nous avions pu échanger avec Lisa Lejeune qui nous présentait les créations de l’Atelier Emmaüs. [...]

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