• Interview : Benjamin Levy-Jeantet, jeune designer lauréat du concours révélateurs de talents Cinna 2020

    « Citadelle » Bibliothèque ayant reçu le premier prix du concours Cinna 2020

    Il y a quelques jours, la 13ème édition du concours « Révélateurs de talents » organisée par Cinna, a rendu son verdict. Ouverts à tous les jeunes designers, récemment diplômés ou suivant encore leur formation en design, les créatifs devaient proposer un projet de mobilier s’inscrivant dans l’adn de la marque. Cette année, c’est le designer Benjamin Levy-Jeantet qui a été récompensé par le jury pour son projet d’étagères architecturales « Citadelle ». Nous avons eu le plaisir d’échanger avec lui. Découvrez son interview :

    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation et votre parcours professionnel ?
    Ma pratique du design a débuté dans les ateliers de l’école supérieure d’art de Saint Luc en Belgique, le façonnage du métal, du bois, de la résine, ou encore du textile est devenu mon quotidien pendant ces trois années de licences. J’ai effectué ensuite une année de césure pour voyager, découvrir de nouveaux horizons sur les routes de l’Amérique du Nord. En revenant, j’ai passé le concours pour intégrer le master de l’école supérieure d’art et de design de Saint-Étienne. Parallèlement, j’ai découvert l’aménagement d’intérieur et la scénographie lors d’un stage dans le cabinet d’architecture d’intérieur de Jean de Piepape.  Le master en design produit de l’ESADSE m’a permis de travailler et collaborer avec de grandes entreprises et avec de grands noms du design sur des sujets variés en continuant à approfondir ma pratique personnelle liée à l’objet. Pour mon stage de fin d’études, j’ai eu la chance d’intégrer le studio de design de Dan Yeffet, une personne généreuse dans son travail comme dans ses relations auprès duquel j’ai beaucoup appris. Depuis je travaille en Free-lance à Paris en tant que designer produit, et je continue à dessiner des objets et m’ouvre de plus en plus à l’espace.


    « Citadelle » Bibliothèque ayant reçu le premier prix du concours Cinna 2020

    Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous en ce moment ?
    Actuellement, je travaille sur plusieurs objets qui me trottent dans la tête depuis quelque temps. J’étends mes recherches à différentes échelles et m’intéresse à plusieurs fonctions, luminaires, mobiliers, mais aussi à l’aménagement d’espaces.  L’amélioration de l’espace de vie par la nature est au cœur de mes ambitions. Valoriser notre lien à la nature est primordial. Explorer des pistes, soulever des questionnements liés à notre environnement me passionne. Je passe aussi la plupart de mon temps libre à rechercher de nouvelles expériences, je participe à des projets et concours en parallèle. Le monde du design offre chaque année de nombreuses opportunités pour la jeune création de faire ses preuves et mettre en avant son travail. Alors, pourquoi ne pas tenter sa chance ?

    Que pouvez-vous nous dire à propos du concours Cinna ? Comment avez vous travaillé sur ce projet ? Qu’est-ce que cette victoire va changer pour vous ?
    J’ai découvert ce concours lors de mes études à l’ESADSE. Il était présenté comme un tremplin dans la vie professionnelle pour la jeune création. La renommée de la maison Cinna et son savoir-faire fait de ce concours une belle opportunité de voir éditer sa création.  Cette année, le thème du concours « dans l’esprit de Cinna » m’a permis de dessiner Citadelle. Sa silhouette symétrique ôtée de toute ornementation permettait à mon sens l’harmonie de cet objet avec le reste de l’univers Cinna. Cette bibliothèque modulable pensée comme une architecture en mouvement dans un espace a d’ailleurs gagné le premier prix du jury de ce concours. Cette victoire me permet d’ores et déjà de prendre un peu plus confiance en mon travail. Par la suite, j’espère pouvoir échanger avec l’équipe technique du groupe Cinna afin de rendre ce projet vivant.

    « Citadelle » Bibliothèque ayant reçu le premier prix du concours Cinna 2020

    Quelle est votre méthode de travail habituelle ?
    Mes créations commencent souvent par un détail, un assemblage à sublimer, qui me poussent à trouver la manière la plus juste pour l’interpréter dans un objet.  Dans un second temps, je dessine les gros traits de mon objet à la main, rapidement, je prends l’outil informatique pour appréhender l’objet en 3 dimensions et penser sa fabrication. L’association de matériaux et la viabilité d’un projet sont au cœur de mes préoccupations.  Travaillant en solitaire sur mes projets, j’ai la chance de partager ma vie avec une personne venant de la même formation et qui est toujours de bons conseils.   J’aime son approche, on a déjà travaillé ensemble sur différents projets et son point de vue est important pour moi. Je la prends beaucoup en considération, car parfois il n’est pas évident de prendre du recul sur ses projets.

    « Kimono » Tabouret en bois et textile, lien entre deux savoirs-faire artisanaux. 2020

    Fréquentez-vous les blogs et sites Internet consacrés au design, et si oui lesquels ?
    Les blogs et sites internet consacrés au design sont pour moi une abondante source d’information sur l’actualité du design. Cela me permet de découvrir la démarche d’un artiste, son approche sensible autrement que par l’image. Dezeen, Designboom et La Revue du design bien évidemment sont des références que j’aime et consulte régulièrement. En parallèle, j’écoute des podcasts consacrés au design tel que « Où est le beau ? » et « Dessin Dessein ». Les thèmes qui y sont consacrés et les discussions toujours bien menées poussent à redéfinir le rôle du design.  M’évader dans les livres et les revues comme « Reliefs » par exemple est un moyen de me plonger dans des histoires, des mythes sans oublier d’aborder les questions contemporaines.  Parfois, je me perds sur Instagram, pour contempler l’univers de certains artistes. Le partage du « workinprogress » de certains artistes me permet de suivre leurs chemins parcourus en amont du résultat final : l’œuvre achevée. Tout ce qui est habituellement mis de côté, caché.

    Y a-t-il un ou plusieurs designers, ou créateurs, qui vous inspirent au quotidien ?
    Il y a de nombreux designers que j’apprécie de par la singularité de leur travail, comme la finesse de leurs traits, l’expérimentation de leurs recherches plastiques, ou encore leurs démarches artistiques.  Je me retrouve facilement dans le travail du studio SCMP dont les objets oscillent entre techniques artisanales, et techniques industrielles avec toujours une pointe de justesse dans les détails.   Les œuvres d’art de l’artiste américain, Donald Judd et son mobilier épuré, sont aussi une source d’inspiration. Son étude autour de la matière a une place centrale, afin de proposer un objet précis à l’esthétique claire et caractéristique de son travail. Son approche minimaliste à travers des œuvres aux formes géométriques et épurées me captive. En tant que designer, je suis sensible à cette approche plastique. Je suis de plus en plus attaché aux réalisations de FormaFantasma, un duo de designers conceptuels dont l’expérimentation est une force pour la réalisation d’objets à travers culture et tradition. Leur travail pluridisciplinaire entre mobilier, et scénographie relève toujours de questions en accord avec leur temps. Dernièrement, le thème de leur exposition personnelle pour la serpentine Sackler Galerie à Londres m’a particulièrement interpellé : ils y traitent de l’impact de l’industrie du bois sur nos forêts, un thème qui m’est cher.

    « Ethnobotanisme » Diplôme de fin d’étude à l’ESADSE en 2018

    S’il y avait une chose à changer dans le design ?
    Lorsque j’ai commencé mes études en design produit, ma vision du design était bien différente. Je pense que la majorité des gens voient le design et le travail de designers comme de simples créateurs devant penser des produits fonctionnels et « beaux ».  De nos jours, la jeune génération dont je fais partie ne peut pas se permettre de continuer à réfléchir ainsi. Dans ma pratique, j’essaie de faire en sorte que ma création soit responsable. Cela commence par utiliser des matériaux ayant le moins d’impact écologique et par dessiner des objets les plus épurés et simples dans leur construction.  C’est aussi très important pour moi de privilégier le travail de la main, en faisant appel à des artisans locaux, un gage de qualité. La durée de vie d’un objet est liée à sa construction, ses matériaux, ainsi qu’à son dessin.

    « Terrazzo » L’aménagement du Hall d’entrée du CFA Loire de Saint-Etienne. Collaboration avec Léa Hermet, 2018

    Quelle est la commande que vous aimeriez vous voir confier ?
    Pour l’instant, j’aimerais déjà que certaines de mes créations non éditées trouvent leur place dans certaines collections. De jour en jour, j’essaie d’étendre ma pratique à l’aménagement d’intérieur et à la scénographie. J’aime les nouveaux défis, et l’espace est pour moi un moyen d’étendre ma créativité à de nouvelles échelles, dans un environnement à part entière qui fait appel à d’autres sensations. Mon souhait ultime serait de réaliser une maison en bois autonome en collaboration avec un architecte : dessiner le mobilier et l’aménagement rendant une habitation indépendante et autosuffisante la plus fonctionnelle possible. La maison au bord de l’eau de Charlotte Perriand que j’ai pu explorer lors de sa rétrospective à la fondation Louis Vuitton en 2019 fait d’ailleurs écho à cette envie.

    « Terrazzo » L’aménagement du Hall d’entrée du CFA Loire de Saint-Etienne. Collaboration avec Léa Hermet, 2018

    De votre point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui ?
    Le métier de designer a différentes facettes et le définir comme un métier bien figé serait très vague.  Chaque designer a sa propre façon de créer, que cela soit par le dessin, l’outil de modélisation, voir même directement en modelant la matière. Il nous permet de nous exprimer et façonner notre propre vision du design. L’avantage de ce métier aux multiples facettes fait que chaque personnalité y trouvera son compte.  Pour ma part en Free-lance j’y ai trouvé la liberté de créer, rencontrer tous types d’individus, artisans, créateurs, avec des métiers, savoir-faire qui me passionnent et me poussent à la création et la collaboration.

    « Quand l’eau monte » Aménagement d’un salon méditerranéen. Collaboration avec Léa Hermet. 2020

    Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que vous auriez envie de partager avec nous ?
    J’ai découvert la pratique des bains de forêt avec le livre « Shinrin-yoku » du Dr Qing Li lors de mes recherches pour mon diplôme de fin d’études. On se fait souvent une idée préconçue des gens qui pratiquent cette activité, mais en lisant ce livre, j’ai découvert qu’inconsciemment, j’avais toujours eu ce lien à la nature et l’apaisement qu’elle peut me procurer.  Originaire de Paris, mon havre de paix est une cabane en bois en plein cœur de la forêt de Fontainebleau, je pense que cette forêt est mon endroit favori pour réfléchir, me ressourcer et créer dans le calme et la sérénité la plus profonde.

    Photographies : © Benjamin Levy-Jeantet

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