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    par Quentin Hirsinger

    Le coup du développement durable, ça y est, on nous l’a déjà souvent fait… Face aux réels déséquilibres environnementaux induits par l’activité humaine, la quête du « matériau écologique » est devenue en très peu d’années le Graal de tout créateur et entreprise: une exigence, une apparente obligation, une figure imposée, mais surtout un fantasme.

    En effet, cette appellation impliquerait clairement qu’il existe des matériaux intrinsèquement bons (notion généralement attachée aux termes de « naturel, sain, recyclable, issu de ressources renouvelables… ») quelles que soient les utilisations qui en sont faites et d’autres matériaux voués à être désormais au ban de la société, car n’ayant pas les qualités requises pour faire partie de ce club VEM (Very Ecological Material). Cette quête pourrait être louable si elle n’était pas simpliste, stérile et finalement dangereuse car conduisant à une impasse pour plusieurs raisons.

    Tout d’abord, le réflexe qui consiste à vouloir répondre aux enjeux environnementaux actuels avant tout par le biais du choix des matériaux doit être combattu. C’est prendre le problème à l’envers: les matériaux doivent découler d’une démarche globale d’éco-conception, qui par nature dépasse très largement les aspects concrets de matérialisation.

    Mener une première réflexion sur la nature du projet, les réponses qu’il doit apporter, sans a priori et en n’hésitant pas à faire tabula rasa des postulats de base, permet de faire émerger une solution constructive pertinente qui transcende les simples aspects matière. Il est essentiel de bien mettre les boeufs avant la charrue, car l’impact environnemental d’un bâtiment ou d’un objet quel qu’il soit sera directement en relation avec les premières orientations prises et, de façon plus anecdotique, avec le choix des matériaux.

    Ensuite, et là aussi il s’agit d’une évidence qu’il semble néanmoins nécessaire de rappeler, chaque projet est singulier, unique. De facto, la réponse matériaux s’insère dans une analyse globale de son cadre ou de son contexte, de ses conditions de réalisation, de son inscription géographique et temporelle, de sa finalité. Pas de recette, pas de solution passe-partout, mais du sur-mesure, forcément. Un matériau pourra être inadéquat pour un projet mais s’avérer meilleur compromis possible pour un autre.

    Une fois encore, il est illusoire de vouloir ignorer une réalité avant tout complexe.

    Les matériaux « éco-friendly » doivent donc s’affranchir d’une approche caricaturale dans ce débat, car ils sont avant tout matière à réflexion. Même si certains critères émergent comme étant primordiaux (les notions d’énergie grise ou de ressources renouvelables par exemple), il devient urgent et sans doute salutaire aujourd’hui de re-considérer nos positions, de combattre des préjugés sur les matériaux qui sont, eux aussi, durables. Il n’y a donc pas de «bons» ou de «mauvais» matériaux a priori et dans l’absolu, au regard des aspects écologiques. Mais par contre et en permanence des choix à faire, des décisions à prendre, qui ne devront pas faire l’économie d’un des matériaux les plus naturels, disponibles, renouvelables et sains qui soit: notre matière grise.

    Quentin Hirsinger est le co-fondateur de MatériO, le premier centre Européen indépendant d’information sur les matériaux et produits innovants.

    Lien vers l’article sur le site de MatériO : http://www.materio.fr/fr/edito/actu/211


    2 commentaires

    1. mynameiskat dit:

      Aaaaaaaaaaaah ! enfin quelqu’un qui voit plus loin que le bout de son nez et qui ose dire que le prêt-à-consommer-écolo que nous sert le marketing n’est pas LA solution qui nous dispense d’utiliser nos cerveaux.

      Et bien merci Quentin Hirsinger ! Et merci à la Revue du Design, qui ne ménage pas ses méninges elle non plus, d’avoir publié cet article !

    2. Béa Gisclard dit:

      Merci Quentin d’avoir pris ta plus belle plume électronique pour partir en campagne contre le fameux « éco matériau » !
      il fallait le dire, c’est fait, désormais on peut partir sur des bases saines et effectivement s’attaquer à la question essentielle qui est la dimension d’usage. Mais c’est tellement plus simple d’espérer que l’ »eco design » c’est simplement la même recette que l’on applique, en changeant les ingrédients, alors qu’on doit surtout se demander si on pourra encore cuisiner demain et pour nourrir qui !!

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