• The Hand of the Designer (a-t-elle réellement touché un carnet Moleskine?)

    Par Alexandre Cocco.

    Moleskine, fabriquant reconnu de carnets de croquis, vient de lancer un ouvrage contenant 462 reproductions de dessins réalisés par une centaine de designers internationaux, parmi lesquels les frères Bouroullec, Alessandro Mendini, Michael Graves, Hella Jongerius ou encore Karim Rashid. Une manière d’apporter un regard intime sur le processus de conception des créateurs, mais également de célébrer le travail « à la main » à une époque où les outils de conception assistée par ordinateur se sont généralisés. Une façon aussi, pour la marque, de continuer à construire son mythe de « carnet de croquis préféré des créateurs ».

    L’ouvrage possède l’allure générale d’un Moleskine « traditionnel »: reliure arrondie, bande élastique, marque-page… Proposé au format A4, avec une couverture blanche (ce qui pour le coup le différencie du reste de la gamme), il est livré avec un autre carnet, comportant moins de pages, ce dernier étant vierge (à remplir soi-même donc).

    La démarche est évidemment intéressante: entrer dans l’intimité créative des designers, visualiser la manière dont leurs idées apparaissent, s’incarnent ou évoluent au travers de leurs représentations. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un intérêt tout récent pour le dessin, dont on semble presque « redécouvrir » l’existence ou l’importance (le Musée des Arts décoratifs de Paris organisait ainsi, il y a quelques mois, une exposition intitulée « Dessiner le design« , dont le propos était sensiblement le même).

    Mais en élargissant notre point de vue, nous pouvons également nous interroger sur l’intérêt économique d’une telle démarche de la part de Moleskine, dont nous avions montré, dans un précédent article intitulé « Le carnet Moleskine : la création d’un mythe« , à quel point la marque avait intelligemment réussit à se construire un mythe de « carnet de croquis des créateurs » (alors qu’il est avéré que ni Picasso, ni Hemingway, pourtant habituellement cités, n’en utilisaient).

    Dans un télescopage assez inattendu, dans lequel un producteur de contenants devient éditeur de contenus, on voit ainsi se dresser les contours d’un design instrumentalisé à des fins communicationnelles.

    Et peu importe que personne ne sache, au final, si les designers dont sont reproduits les tracés ont effectivement utilisé ces carnets, car tout joue comme si le fait présenter, dans un Moleskine, des croquis de créateurs connus donnait a posteriori une idée précise de sa possible utilisation. Instrumentalisation, vous avez dit?

    Vous pouvez visualiser une partie des croquis réalisés par les designers sur le site moleskine.com.

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    The hand of the designer
    362 pages, 450 illustrations en couleur.
    Vendu avec un carnet de croquis vierge de 196 pages.
    59 euros.

    Le lancement officiel sera accompagné d’une exposition spéciale mettant en vedette tous les croquis originaux, organisé à la Villa Necchi Campiglio au cours du prochain salon du meuble de Milan (du 14 au 19 avril prochain). Les croquis seront ensuite vendus aux enchères par Sotheby’s à Milan.

    « The hand of the designer » fait suite à la parution par Moleskine de l’ouvrage « The hand of the architect », publié en 2009 et qui en est déjà à sa quatrième édition.


    2 commentaires

    1. maupado dit:

      La justification de cette démarche est clairement exprimée dans le dernier paragraphe de l’article. quatrième édition du premier carnet consacré aux architectes…C’est de la com. Bon, qui en doute, au fond? Et pourquoi s’en méfier? Une com audacieuse, qui tente de construire un mythe -niveau pub, quand même, faut pas pousser non plus- et qui s’arrange pour ça avec le réel, quitte à en fabriquer. Business as usual.
      Cela dit, depuis que je les ai découverts, ces carnets, je ne peux plus m’en passer.
      Il faudrait se demander ce qui , en termes de design et non plus seulement en termes de com, les rend si séduisants et « incontournables ». En visitant http://www.urbansketchers.com/ , site vertigineux et absolument formidable pour qui aime le dessin, on se rend compte de l’usage universel du fameux carnet, quel que soit son format…

    2. Prof Z dit:

      Le com de Moleskine est habile mais on entre pas ainsi dans l’intimité créatrice des designers.
      Un simple dessin ne suffit pas . Il faut un sketchbook qui n’a pas cette dimension réduite , des textes du designer et des textes critiques de professionnels et d’amateurs du design qui permettent d’avoir une vision à 360 ° du projet ou du produit , de le replacer dans un parcours de créateur et dans un contexte.

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