• Design d’expérience, un outil de valorisation des biens et services

    Par Nicolas Minvielle et Jean-Paul Minvielle.

    En exclusivité, Nicolas et Jean-Paul Minvielle présentent aux lecteurs de La Revue du Design leur dernier ouvrage, intitulé « Design d’expérience, un outil de valorisation des biens et services » et publié aux éditions De Boeck. Celui-ci, structuré autour de nombreux exemples, démontre comment dans un monde saturé de marchandises équivalentes et concurrentes, la valeur se crée de plus en plus à partir du « sens » accordé aux éléments de consommation, et aux expériences qu’ils permettent de vivre. Il analyse également les multiples facteurs pouvant influencer les choix des individus et la manière le « design d’expérience » permet d’initier de dynamiques nouvelles de consommation.

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    Nous publions cette semaine chez De Boeck un ouvrage dans lequel nous analysons en détail les mécanismes de l’élaboration de nouveaux produits et services basés sur l’intégration d’une valeur immatérielle décisive : l’expérience.

    Cet ouvrage est parti du constat que, dans un monde gavé de produits et services, un monde dans lequel les besoins primaires sont presque tous assurés – tout au moins pour les populations nanties du Nord – la demande des consommateurs les plus aisés s’orientait désormais vers des consommations porteuses de plus de sens.

    Ce sens accordé à la consommation se décline bien évidemment différemment suivant les individus : sens éthique pour certains en consommant des biens ou services dits « solidaires » ou « équitables », sens de l’altruisme pour d’autres avec des modes de consommation dits « humanitaires », sens de la mise en scène de soi pour la plus grande partie d’entre eux avec la consommation de biens ou services considérés comme valorisants ou identitaires.

    Les points communs de ces quêtes de sens reposent sur un certain nombre de dimensions, émotionnelles et intellectuelles, qui résultent de la « lecture » particulière que chaque individu fait de sa propre consommation et par laquelle il définira son identité personnelle.

    Cette quête de sens peut être résumée dans le terme d’ « expérience », entendu au double sens du terme : un épisode de vie tout d’abord, une construction de soi ensuite. Un aspect particulièrement intéressant de l’expérience est que, ainsi que les auteurs le démontrent à travers de nombreux exemples, elle peut porter sur les aspects les plus triviaux de la consommation : achat d’un café ou d’une automobile, passer une nuit dans un hôtel ou faire un voyage organisé.

    La question qui se pose alors est celle des conditions de l’émergence de cette expérience, de cette transmutation d’un acte de consommation simple en expérience de vie.

    Nous avons donc tenté, de formuler à travers de nombreux exemples tirés de domaines divers, une analyse de ce qui fait la spécificité du design d’expérience. Tout d’abord en soulignant que celui-ci existe dans les faits, dans la réalité quasi quotidienne du travail de certains designers qui, consciemment ou pas, volontairement ou non, en construisent les bases, souvent sur des intuitions et des appréciations empiriques.

    C’est pour matérialiser ces intuitions et dépasser cet empirisme que nous avons démonté les constituants de l’expérience et identifié les mécanismes de leurs créations dans une optique opérationnelle.

    En effet, dans le contexte actuel de surabondance de l’offre de produits et de services concurrents aux caractéristiques objectives souvent très proches, il est clair que le design d’expérience sera appelé à jouer un rôle de plus en plus décisif dans la détermination de la valeur accordée aux « choses » offertes, et donc dans les choix des consommateurs. En créant de la valeur ajoutée subjective, le design d’expérience ouvre un domaine presque illimité d’innovation, de diversification, d’amélioration de l’offre et de captation de la demande.

    On l’aura compris, le terme de « design » que nous avons retenu ne s’applique pas uniquement à des objets matériels, mais aussi à des objets immatériels tels qu’un voyage par exemple ou bien la visite d’un magasin. La portée de l’analyse dépasse donc très largement le simple « dessin » esthétique d’objets physiques.

    Cette ouverture sur l’immatérialité de la création de valeur ajoutée apparaît encore plus déterminante dans le contexte d’une époque confrontée à la finitude de la planète et de ses ressources.

    On le sait, même si les pratiques ne suivent pas toujours, il est désormais devenu impératif pour la survie de l’humanité de passer à des modes de consommation plus sobres en ressources (matières premières, transports, usages des espaces, etc.).

    Certains lieux communs bien ancrés, confondant croissance et développement, considèrent que l’augmentation du bien-être, ambition à laquelle ne renonceront jamais les hommes, passe par l’augmentation infinie de leur consommation. A cette approche purement quantitative d’une recherche toute théorique du bien-être par l’accumulation des consommations, le design d’expérience ouvre des voies plus qualitatives, et beaucoup plus prometteuses, basées sur des émotions plus profondes. Il ouvre ainsi sur des perspectives d’évolutions dont les limites ne sont pas identifiables, uniquement bornées par l’imagination et la créativité des designers.

    Face à cet état de fait, le design d’expérience est entré dans un processus de construction conceptuelle, bien plus élaboré dans le monde anglo-saxon que dans la littérature francophone. Ce processus se greffe sur les avancées déjà réalisées dans les différents domaines de l’économie et du marketing expérientiel ainsi que de la psychologie sociale pour ne citer que les principaux.

    Pour autant, il ne s’y résume pas et possède sa propre identité, une identité à développer. Les enjeux sont en effet de taille, largement démontrés par l’évolution des pratiques actuelles. C’est pourquoi il est apparu indispensable de mieux cerner les contours de ce domaine en construction, d’en identifier les dimensions et d’en appréhender les mécanismes de construction dans une optique opérationnelle.

    Ce sont ces modalités de la transcription d’un dessein d’entreprise, à travers un design d’expérience, que cet ouvrage aborde en faisant appel à différentes disciplines (économie expérientielle, marketing expérientiel, psychologie sociale, anthropologie, ethnométhodologie, etc.) pour tenter de fournir un éclairage holistique sur un objet complexe et encore mal défini.

    Nicolas Minvielle et Jean-Paul Minvielle.

    Design d’expérience un outil de valorisation des biens et services, par Nicolas et Jean-Paul Minvielle, De Boeck éditions, 28 euros.


    8 commentaires

    1. Prof Z dit:

      Le design comme outil de valorisation mais aussi comme outil de différenciation des bien et des services qui se ressemblent de plus en plus à force d’être cuisinés à la la même sauce du marketeurs mixeurs( marketing mix) de producteurs et de distributeurs formées dans les mêmes écoles et issus de même milieux sociaux. Certains consommateurs devenus des consomacteurs commencent à les rejeter presqu’en bloc les produits et les methodes ou processus de conception, de fabrication, de distribution, de communication et de vente dans le contexte de crise plurielle que nous connaissons actuellement. Le design , également en crise d’identité, ne doit pas non plus trop se prêter aux jeux des marketeurs et être l’autre sauce qui nappent, qui maquillent de mauvais produits fait avec de mauvais ingrédients.
      Le design est de plus en plus peopolisé c’est à dire inféodé à l’image, à la com, à la marque , à des tribus marketés par la téléréalité et les producteurs à la chaîne de stars, à des valeurs ou à des non valeurs immatérielles qui n’ont rien à voir avec les usages, les fonctions, les gestuelles mais aux nouvelles addictions de la société d’hyperconsommation relookée en vert

    2. Prof Z dit:

      Dans le chaos des blogs de design,de deco et de lifestyle, c’est finalement la récurrence et l’obsédante répétition des projets qui conduisent à l’évanouissement des designers sous « X »…..et qui fait qu’une star du X , qu’un rappeur célèbre , qu’un jeune premier au box office deviendront des designers connus en 2010, le temps d’un buzzz . Et après ? L’attaché de presse,l’éditeur de meuble face à la crise,l’editeur de mag face aux blogs, le journaliste en mal de sujet , le collectionneur de bric à brac, l ‘agent,l’argent, et des stagiaires designers sous payés feront le reste …

    3. Rothring dit:

      Manzini Ezio?

    4. Prof Z dit:

      non c’est du petit Moa,un professeur multitâches et transversal et un chercheur avec meta moteurs sur internet, disciple critique du grand Moa Moa e des autres….

    5. Prof Z dit:

      « La prochaine économie n’est pas une utopie… Elle est déjà là aujourd’hui, grandissant dans la trame de l’ancienne. Il nous faut simplement la reconnaître, et choisir de faire ce que l’on peut pour la favoriser. » Non ce n »est pas de moi, mais c’est pas si loin de Bernard Stiegler, d’ars industralis dont je ne suis pas membre mais fidèle lecteur

    6. Thibaut dit:

      Bonjour Nicolas, Alexandre,

      Juste un mot : bravo ! Les publications sur le design sont trop rares et il est bon de le signaler…
      Signalez nous quand le livre sera dans les rayons et où le trouver pour qu’on relai sur la plateforme. ;-)

      A bientôt

      Thibaut

    7. Nicolas dit:

      @ thibaut: il est disponible sur amazon :)

    8. Prof Z dit:

      george-nelson/je viens de voir cela pour historien du design et du design management
      http://www.vitra.com/fr-fr/collage/design/george-nelson/

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