• L’objet en question(s): le chargeur de piles POM, conçu par l’agence InProcess pour Uniross

    La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs: l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux…

    Ce mois-ci, nous rencontrons Christophe Rebours, fondateur de l’agence InProcess, qui nous en dit plus sur la conception du chargeur de piles POM. Conçu pour la société Uniross, celui-ci a reçu en décembre 2010 le prix Superdesign 2010 dans la catégorie produits non alimentaires/services, ainsi que le “Coup de cœur développement durable” du jury.

    Pourriez-vous nous décrire POM en quelques mots?
    POM est un chargeur de piles. Notre objectif, sur ce projet, était de rompre avec l’archétype du chargeur de piles “traditionnel”, et de transformer un objet technologique en un objet du quotidien qui prenne place dans la maison, à portée de main de toute la famille. Il propose une réelle diversité d’usages, permettant de connecter différents objets: jusqu’à huit piles en même temps, mais aussi des consoles de jeux, des lecteurs MP3 ou des Smartphones via un port USB, etc. Nous l’avons conçu comme un petit objet autonome et “vivant”: il suffit de placer des piles sur les emplacements autour du “trognon”, ou de brancher ses appareils nomades sur le port USB, pour que POM s’illumine durant toute la durée du chargement.

    Comment ce projet vous a-t-il été confié?
    C’est la société Uniross, une ancienne filiale d’Alcatel spécialisée dans les accumulateurs et le rechargement, qui nous a confié ce projet. Ils avaient pour ambition de revaloriser la pile rechargeable. Ils ont donc consulté plusieurs agences de design, pour au final retenir InProcess. Je pense qu’ils ont apprécié le fait que nous possédions dans notre structure à la fois un département étude, qui s’intéresse aux comportements, et un département design.

    Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet?
    Notre client n’est pas arrivé en nous imposant de contraintes rigides techniques ou économiques: il y avait surtout des enjeux, du type “cet objet [le chargeur de pile, ndlr] existe déjà, mais il n’est que peu ou mal utilisé”.
    L’une des stratégies était donc de dire qu’il fallait imaginer un produit noble, bien fini, avec un soin apporté sur sa conception et ses matériaux. Un produit pérenne, que l’on ne cache pas, dont toute la famille peut se servir. Cela devait, en ce sens, presque être un produit militant, qui possède intrinsèquement une certaine valeur.
    Nous n’étions donc pas du tout dans une logique de design “to cost”, où l’on nous aurait dit qu’il fallait qu’à tout prix le produit sorte à ce prix là. Au contraire, nous avons eu la chance sur ce projet d’avoir une relative carte blanche.

    Quel était votre concept ou votre idée de départ?
    POM est avant tout le design d’un geste: un geste que l’on va essayer de provoquer chez les utilisateurs, un geste qui consiste à faire le choix d’utiliser des piles rechargeables plutôt que des piles “traditionnelles”.
    Ce concept découle d’une étude menée par notre département recherche auprès d’utilisateurs, dans laquelle nous avons tout d’abord essayé de comprendre les usages habituels concernant ce type d’objet, puis de réfléchir à quel moment et de quelle manière nous pouvions intervenir: quels sont les objets consommateurs de piles, où se situent-ils dans la maison, quand s’en sert-on, comment se passe le changement des piles… Cette étude a également révélé qu’un certain nombre d’utilisateurs, plus important que ce que l’on aurait pu penser au départ, ne savaient pas que les piles rechargeables existaient, ou comprenaient mal leur principe.
    En résumé, notre client est arrivé avec une question, qui était “comment on peut valoriser la pile rechargeable?”. Et notre réponse a été de dire qu’il fallait inventer un nouveau geste au travers d’un objet qui allait le valoriser.

    Pourquoi l’objet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux?
    L’objet, tel qu’il existe actuellement, symbolise bien les intentions qui ont sous-tendu sa conception. Notre ambition était de concevoir un objet que l’on ne cache pas, car nous pensions qu’ainsi les utilisateurs se créeraient davantage d’occasion de s’en servir. C’était très important pour nous. Car au niveau environnemental, il faut par exemple savoir que les piles rechargeables ont 32 fois moins d’impact que les piles jetables.
    POM intrigue. Les piles y sont positionnées verticalement, ce qui leur donne une certaine dynamique. La forme globale rappelle également un cocon, ou une couveuse. Notre idée était de montrer les piles, mais un peu comme dans un brouillard. Cela explique que nous ayons une alternance entre des matériaux transparents et d’autres opaques.
    Au final, on a essayé d’introduire un peu de poésie dans cet objet, ainsi qu’une certaine symbolique du rechargement.

    Qui étaient vos interlocuteurs dans l’entreprise, et avec qui avez-vous du collaborer?
    Il s’agit d’un projet qui a mobilisé plusieurs acteurs chez Uniross. Durant tout le travail de conception, nous avons été en contact direct avec la direction générale, qui a tenu à s’impliquer personnellement dans ce projet car il était réellement novateur et ambitieux pour la société. Le directeur marketing, puis un ingénieur appartenant au service technique ont également suivi l’avancée de notre travail. Uniross avait également missionné un bureau d’étude externe pour la partie technique, qui a réalisé des prototypes et finalisé le dossier de fabrication. Un point intéressant et assez rare: la direction de la communication a également suivi ce projet, et a permis d’insuffler une certaine ambition à l’échelle du produit.

    Et chez InProcess, combien de personnes y ont travaillé?
    Deux membres de notre service étude (un ethnologue et un ergonome), ainsi que trois membres de notre service design (deux designers et un ingénieur mécanicien) ont travaillé sur ce projet, que j’ai coordonné.

    Sur combien de temps s’est déroulé ce projet?
    Toute la phase sur laquelle notre agence est intervenue a duré environ un mois et demi pour la partie étude et à peu près trois mois pour la partie conception (de la recherche jusqu’à l’aboutissement technique). Ensuite, il y a eu la phase d’industrialisation, qui s’est déroulée sur 5 à 6 mois environ. On peut donc dire qu’il s’est écoulé une petite année entre le départ du projet et la mise sur le marché.

    Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet?
    Si un projet du même type nous était confié aujourd’hui, il y a un aspect sur lequel j’insisterais beaucoup plus, auprès de notre client notamment, c’est le design de la pile elle-même. Je pense en effet qu’aujourd’hui les utilisateurs ne perçoivent pas suffisamment la différence entre une pile “classique” et un accu. Il me semble que cela pourrait d’ailleurs être bénéfique pour l’ensemble de la filière, car ce type de réflexion initierait un processus qui pourrait se répandre chez d’autres fabricants.

    Pour finir, où en est ce projet?
    Il a été lancé commercialement il y a environ un an. C’est un produit qui, a bien plu à diverses grosses enseignes telles que Nature et Découverte, Virgin ou encore La Fnac, qui ont bien compris sa dimension pédagogique.

    Passé par l’école Boulle puis les Arts déco, Christophe Rebours est l’un des co-fondateurs de l’agence InProcess, dont la spécificité est d’articuler un département recherches et sciences humaines et un département design.

    Quelques images du projet:


    Etudes et scénarii d’usages.


    Etudes et scénarii d’usages.


    Etudes et scénarii d’usages.


    Etudes et scénarii d’usages.


    Croquis et recherches préparatoires.


    Croquis et recherches préparatoires.


    Croquis et recherches préparatoires.


    Vue 3D. Détail de l’objet en fonctionnement.


    Vue 3D.


    Vue 3D.


    Prototype.


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