• Design externe et équipes internationales, quel impact?

    Par Nicolas Minvielle.

    Après une longue absence due à la rédaction d’un ouvrage à venir sur les pratiques du design en entreprise, c’est enfin le retour pour la rentrée !

    Le point positif de l’écriture d’une publication est l’obligation qu’elle implique de devoir être exhaustif en termes de littérature. Ceci m’a permis de me plonger dans des analyses passionnantes sur les pratiques du design, dont celles de Verganti (qui a publié récemment un EXCELLENT ouvrage sur l’innovation liée au design aux presses de Harvard).

    Il existe un petit groupe de chercheurs en Italie qui font un travail vraiment intéressant sur le rôle du design dans le succès des entreprises, notamment en analysant les pratiques des industries italiennes du meuble. Cela fait du bien dans la mesure où cela permet de démystifier quelque peu leur succès -ou tout du moins de leur rendre plus appréhendable- et surtout, de préciser que leur succès est bien dû à une gestion stratégique du design et pas uniquement à leur simple recours au design (loin du jeu de mots, la différence est de taille).

    Dans une de leurs recherches, Verganti et Dell’Era se sont demandés dans quelle mesure le recours à des designers internationaux pouvait avoir un impact sur la performance des entreprises italiennes du meuble. Pour ce faire, ils ont analysé 91 éditeurs, et 1.700 produits issus de 630 collaborations. Sans rentrer dans les détails de l’analyse statistiques, disons juste qu’elle a été systématique et plus que rigoureuse.

    Un autre intérêt de leur démarche est de remettre en question les variables classiques d’externalisation d’une compétence. Dans la plupart des cas, lorsque l’on se demande pourquoi une entreprise externalise le recours au design, les réponses relèvent de variables financières, de réactivité, de créativité etc. Les auteurs proposent de revenir à la base du design, c’est à dire de qualifier son apport en termes de langages et de signes. Ceci nous sort de l’approche managériale classique et permet d’évaluer en quoi le design impacts sur le développement de nouveaux messages, valeurs etc.

    Pour mener leur étude, ils commencent à classer les entreprises selon leur capacité à innover et l’intérêt que leurs productions génère auprès des consommateurs. Ceci leur permet d’obtenir la matrice suivante :

    Pour la deuxième partie de l’analyse, côté designers, ils cherchent à savoir si :
    1. Le nombre de designers extérieurs,
    2. le pourcentage de designers étrangers,
    3. le nombre de nationalités au sein des designers étrangers…
    vont jouer un rôle dans l’innovation des entreprises analysées.

    Les résultats obtenus sont les suivants:

    On constate ainsi que:

    1. Les entreprises dites innovantes et de « design niche » sont celles qui ont le nombre de designers étrangers et de multinationaux le plus important.

    2. A l’inverse, celles qui développent le plus l’ »intérêt des consommateurs » sont celles qui recourent le moins aux designers étrangers.

    En d’autres termes, les industries du meuble italienne ont deux stratégies différentes:

    1. les premières cherchent à être innovantes et à accéder à des marchés étrangers. Ceci se fait en ayant recours à de nombreux designers internationaux, ce qui permet à ces éditeurs de capter les contextes socio-culturels émergents loin du territoire italien, et ainsi de développer des langages plus innovants.

    2. Les deuxièmes ont au contraire une stratégie de focalisation, recourant à des designers italiens, ce qui leur permet de garantir l’adéquation de leur langage avec les attentes de leurs acheteurs.

    Tout ceci nous permet de nouveau de voir à quel point le recours au design est contextuel et variable selon les industries. Les deux approches sont en effet intéressantes et ne font que répondre à des besoins stratégiques différents.

    Cet article est également paru sur le site design-blog.info.


    1 commentaire

    1. Pierre dit:

      oui je me disais bien que j’avais déjà lu ça quelque part.
      Merci pour ce bon article (bien que la conclusion me semble un peu trop simple : designer étranger = marché étranger, il doit y avoir des subtilités)

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