• Interview: Fabien Gregoire

    Nous interviewons aujourd’hui Fabien Gregoire, designer diplômé de l’Ecole de Design Nantes-Atlantique et aujourd’hui directeur de Kenwood design, au Japon.

    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation et votre parcours professionnel?
    Après un Master de l’Ecole de Design Nantes-Atlantique en 2001, j’ai continué mon projet de diplôme avec un industriel pendant un an. Grâce à une candidature spontanée, j’ai ensuite rejoint Kenwood Design à Tokyo en 2002. J’ai ensuite participé à la création du studio de Design Avancé fin 2004, puis j’ai été nommé directeur du Design Avancé, International Relations en 2006, et enfin directeur général en 2008.

    Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous en ce moment?
    Sur le Design global, la stratégie et l’analyse prospective des nouveaux marchés.

    Combien de personnes compte votre agence (ou le service dans lequel vous travaillez)?
    Kenwood Design regroupe une cinquantaine de personnes en design produit (45%), design d’interaction (45%) et Brand design (15%).

    Quelle est votre méthode de création habituelle?
    Nous sommes amenés à travailler pour le monde entier et à négocier avec différents acteurs de la conception à la promotion des produits et services que nous créons. Une stratégie et un design global sont primordiaux.
    L’expression, la rationalisation puis la communication des idées sont les premières étapes de notre conception. Kenwood Design étant un centre de design intégré, nous devons être rapides, cohérents et constructifs, tout en restant créatifs.
    Bien que l’exercice soit assez délicat pour certains Japonais, je laisse une grande part à l’initiative et à la prise de position. Le Design intégré doit savoir se remettre en cause, et être capable de visualiser et d’anticiper les futures orientations de la marque.
    “L’optimisation constante”, le Kaizen, est une démarche purement Japonaise, avec qui l’approche occidentale de l’Innovation prend une dimension radicalement concevable.

    Fréquentez-vous les blogs et sites Internet consacrés au design, et si oui lesquels?
    Très peu. Des sites comme Tokyo Art Beat ou JDN (Japan Design Net) sont des incontournables de l’actualité design au Japon.

    Y a-t-il un ou plusieurs designers, ou créateurs, qui vous inspirent au quotidien?
    J’ai beaucoup d’estime pour les inventeurs, les entrepreneurs et visionnaires. Ceux qui ont su et ceux qui savent garder la créativité comme une aventure humaine. Parfois même, hélas, sans le succès escompté.

    S’il y avait une chose à changer dans le design?
    Le Design est en lui-même un changement. C’est la culture de conception elle-même qu’il conviendrait de changer. Passer de l’ego-conception, de l’innovation par les mots, à la conception globale et internationale.
    Un designer est un négociateur: il faut être cohérent et être en mesure de communiquer avec tous les acteurs du projet jusqu’au Haut Management.
    Au Japon, le “monozukuri” (processus de conception) met en exergue l’expérience du groupe et le talent individuel au profit du développement, comme un Art et non une science. La volonté de créer, le sens et l’amélioration du quotidien priment, aussi futile que cela puisse paraître.
    Le Design Japonais est peut-être technique, mais il n’en reste pas moins logique, fonctionnel et harmonieux. C’est peut-être cette simplicité de penser et de concevoir qui manque en France, le design s’orientant d’autant plus vers l’interaction et les services. Au-delà des différences culturelles, le Design devrait être un langage universel.

    Quelle est la commande que vous aimeriez vous voire confier?
    Un projet, des rencontres. Bien entendu, le défi technique et le challenge technologique y joueraient pour moi une part importante: la piqûre nippone est indélébile!

    De votre point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui?
    La médiatisation est légitimement enviable, mais n’importe-qui peut se prétendre designer.
    Par ailleurs, le mot Design est connu, mais le métier de designer reste encore méconnu de l’Industrie.
    Etre designer c’est un métier, plusieurs métiers même. C’est l’anticipation qui oblige le designer à être poly-compétent. Logiquement, cela me semble plus une source d’inspiration que quelque-chose d’enviable.
    Lorsqu’un designer est sollicité pour faire de l’image, on est dans le registre de la communication, bon ou mauvais. L’entreprise s’appuie sur l’image du designer pour communiquer sur sa marque. Bien, et ensuite? Aux entreprises aussi de réfléchir sur leur stratégie. Un projet n’est réaliste que par la richesse des acteurs, et réalisable que par le partage des connaissances et par la qualité du dialogue en vu d’un intérêt commun.

    Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que vous auriez envie de partager avec nous?
    Shoes for Everyone: A Story about Jan Matzelliger. L’histoire d’un immigré africain-hollandais aux Etats-Unis qui, grâce à l’invention de sa machine en 1883, révolutionna l’industrie de la chaussure dans le monde entier.
    Sa “shoe lasting machine” éliminant la pénibilité, permettant d’augmenter la production de 350% et d’ainsi anticiper la demande, permit à beaucoup de personnes de s’offrir des chaussures en divisant le prix de moitié.
    A cause de sa couleur de peau et bien que son invention soit une des innovations industrielles majeures des Etats-Unis, il fait parti de ces grands inventeurs injustement méconnus.

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    Quelques projets de Kenwood Design:


    Concept de Haut-Parleur sans-fil HIBACHI (2007).


    Autoradios CD et USB, Gamme 2010.


    Systeme HiFi Compact K-323, 2009.


    Chaîne HiFi compacte K-821DV, 2010.


    Lecteur-enregistreur portable MGR-E8, 2010.


    Radio portative numérique UHF TCP-D201, 2010.

    Photos © Kenwood Design.

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    7 commentaires

    1. megaprosper dit:

      Hibachi est superbe.

    2. waldezign dit:

      eh bien, il y a encore du boulot! Personnellement, j’ai une affection toute particulière pour certains produits japonais, mais pas ceux-ci. C’est très vieillot dans le traitement! Les autoradios sont simplement hideux, quant à l’enceinte, je dirais bof, pas plus.

    3. La Revue du Design dit:

      Nous avons un Waldezign bien sévère aujourd’hui ;)

    4. megaprosper dit:

      @waldezign
      Pour le car audio, il ne faut pas regarder ces objets comme un fauteuil starck ou une chambre d’hotel matali crasset. Ces autoradios sont principalement destinés aux marchés japonais et US, et les gens qui les achètent, bah… Disons qu’ils ne veulent pas se contenter de la monte d’origine (exemple OEM philips sur les renault). Ils aiment bien aussi les jantes 19 pouces, les paupières de phares, les becquets arrières, faire des tas de trous dans le capot, mettre des pots d’échappement chromés et des boucliers avec des ouïes terrifiantes… voire quelques néons sous le chassis. En un mot, la cible principale, ce sont les amateurs de tuning, et le design de ces autoradios est tout à fait adapté.
      Dans le home audio, le design est très épuré, on ressent l’importance du son dans la mise en valeur du bouton de volume métal, de jolis détails.

    5. waldezign dit:

      Un peu sévère, peut-être. Je ne dis pas que tout le monde doit faire du Ive, mais bon… Un scan rapide sur google images montre quelques productions de meilleure facture que les exemple présentés ici, mais on est très loin de l’objet intemporel (à part quelques mixeurs de cuisine, peut-être).
      Par contre, megaprosper dit « Dans le home audio, le design est très épuré, on ressent l’importance du son dans la mise en valeur du bouton de volume métal, de jolis détails. », et moi je suis un peu circonspect, pour le moins…
      L’importance du son matérialisé par un grossier cylindre de (faux probablement) métal? à voir… Du vu, revu et rerevu!
      Cel dit, Fabien Grégoire n’évolue peut-être pas dans un contexte très propice à l’innovation esthétique et fonctionnelle… ça, c’est plus que probable!

    6. megaprosper dit:

      Comme souvent dans ce type de grandes entreprises, je crois qu’il faut distinguer deux types de design.
      Le design opérationnel : respect du positionnement marketing, ne pas trop s’éloigner du marché, respecter les attentes des consommateurs, ne pas faire exploser et les coûts, limiter la prise de risques. Dans ce cas là, le travail de design s’effectue par le maintien d’une cohérence dans la gamme, l’attention aux détails (CF bouton de volume en alu brossé, les connectiques etc), de façon à maximiser la qualité perçue.
      Dans le cas du design avancé, on se permet des prises de risques, des gestes artistiques, une pratique du design qui se situe plus dans l’optique intramuros, et que je trouve beaucoup plus valorisante pour le designer.
      C’est important que les deux types de projets soient présents, et cela reflète à mon sens la difficulté du travail du designer en intégré, tiraillé entre des contraintes divergentes.
      Enfin, juste au cas où, un petit lien qui devrait vous permettre d’apprécier la valeur conceptuelle de l’enceinte hibachi.
      http://en.wikipedia.org/wiki/Hibachi
      Il s’agit ici bel et bien de repenser la place et l’importance du son dans le foyer.

    7. Waldezign dit:

      Attention, on peut se cacher derrière le marketing ou la technique pour justifier un manque d’innovation dans les produits. Par contre, on doit toujours parvenir à maintenir un certain niveau d’élégance, si c’est tout ce qu’on arrive à sauver!
      Hibashi est, à mon goût, qui n’est pas universel, le seul produit dans cette sélection à présenter une bonne qualité de design, mais peut-être est-ce le seul produit réellement signé par Fabien Grégoire, ou en tout cas celui qu’il a le mieux défendu?

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