• L’objet en question(s): Odicis, un cockpit imaginé par Thales et les designers de l’agence Félix+associés

    La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs: l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux…

    Ce mois-ci Thomas Félix, fondateur de l’agence de design bordelaise Felix+associés, nous en dit plus sur la conception d’Odicis, un cockpit du futur réalisé par Thales et les designers de Félix+associés, qui a par ailleurs obtenu le label Observeur du design 2012.

    Pour commencer, quel était votre rôle sur ce projet?
    Notre intervention très précoce dans les travaux sur le cockpit 3.0 (nom donné par Thales à sa vision du cockpit d’aéronef à l’horizon 2030) a permis de démontrer l’intérêt du design produit au-delà d’une simple réflexion sur la forme. Elle a permis une meilleure intégration des usages et des affordances, intégrant par exemple l’évolution des langages d’interaction et amenant un regard nouveau sur des objets fondamentalement technologiques.
    Notre rôle dans le cadre du démonstrateur ODICIS (une première préfiguration du cockpit 3.0) a été d’assurer la cohérence design du produit et le suivi de la réalisation technique du projet entre les divers intervenants (dessin, 3D, intégration des composants, prototypage).
    Nous avons eu pour mission de matérialiser la dimension innovante du projet et la prise en compte des contraintes technologiques dans une sorte de «concept car ».
    Nous avons également travaillé sur l’expression d’une identité idéale et futuriste, porteuse des ambitions technologiques de Thales, qui interpelle l’imaginaire et les projections des différents intervenants.

    Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots?
    ODICIS (pour « One Display for a Cockpit Interactive Solution ») est une préfiguration de ce que pourrait être le cockpit 3.0, insistant sur l’adaptabilité à tout aéronef civil ou militaire.
    Il offre un principe de visualisation sur écran unique tactile, qui permet un nouveau type de présentation de l’information et apporte une grande visibilité et flexibilité au service de l’équipage.

    Comment ce projet vous a-t-il été confié?
    Depuis fin 2007, notre équipe Design est partie prenante de la réflexion prospective sur les cockpits du futur menée par Thales.
    Pour autant, le projet ODICIS a fait l’objet d’un appel d’offre, que nous avons remporté.
    Ce travail plus spécifique, sur le démonstrateur ODICIS, est issu d’un cahier des charges émis dès le lancement du programme.
    Le design a ainsi pu être intégré dès le départ dans la conception du produit.

    Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet?
    Le cahier des charges se focalisait sur deux objectifs principaux: matérialiser la dimension innovante du projet et prendre en compte les contraintes des innovations technologiques (système de projection, système tactile, intégration électronique, dissipation thermique, qualité optique, ergonomie physique…) dans le cadre d’un projet intégrant des partenaires industriels et scientifiques européens (Alenia Aeronautica, Alitalia, Diehl aerospace, DTU, IMEC, Optinvent et les universités de Malte et du Pirée).
    Un autre enjeu majeur portait plus indirectement sur la place du design dans les études menées par Thales, afin de faire du design l’un des enjeu stratégique majeur dans la politique de développement de tout nouveau produit, au même titre que la technologie, l’ergonomie ou les sciences cognitives.

    Quel était votre concept ou votre idée de départ?
    Notre concept était de focaliser l’identité du démonstrateur autour de trois thèmes simples et lisibles: l’innovation technologique, l’ergonomie et la dimension futuriste (afin de ne situer le projet naturellement dans le temps). Il s’agissait de traduire l’Identité de la marque Thales, pôle d’excellence technologique, au travers d’un produit emblématique et démonstratif.

    Pourquoi le projet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux?
    Comme toujours dans un projet d’une telle complexité, le résultat est une somme de consensus proportionnels, techniques, et économiques. Il ne fait par contre pas de consensus sur son identité, portée par la légèreté apparente du produit, sa dimension évidemment technologique, mais d’une technologie au service de l’Homme, et porte loin les ambitions et les projections de Thales dans le futur.

    Qui étaient vos interlocuteurs chez votre client, et avec qui avez-vous du collaborer?
    Thales a supervisé le programme et a pris en charge la dimension technique et technologique.
    Plusieurs ingénieurs (opticiens, électroniciens, ergonomes) ont participé directement au projet. Deux d’entre eux étaient nos principaux interlocuteurs tout en assurant la coordination avec les autres partenaires du projet.
    F+A a assuré la cohérence design du produit et le suivi de la réalisation technique du projet entre les divers intervenants (dessin, 3D, intégration des composants, prototypage).

    Au total, combien de personnes ont travaillé sur ce projet?
    Le concept du cockpit 3.0 est le résultat d’une démarche pluridisciplinaire intégrant pour la première fois des designers mais aussi plusieurs dizaines de spécialistes, qu’il s’agisse d’ergonomes, de psychologues, de chercheurs en sciences cognitives, d’ingénieurs et de pilotes.
    Le projet ODICIS a quant à lui regroupé une vingtaine d’ingénieurs et de chercheurs pendant 3 ans, issus évidemment de Thales mais aussi de partenaires extérieurs (Alenia Aeronautica, Alitalia, Diehl aerospace, DTU, IMEC, Optinvent et les universités de Malte et du Pirée).
    Chez F+A, il a impliqué deux designers produits. Qui plus est, l’une des spécificités de l’agence F+A est le soin porté à l’identification de l’univers du produit ciblé, qu’il s’agisse des valeurs qu’il véhicule, de la marque qu’il porte et de son contexte d’emploi. Dans le cadre d’un projet aussi prospectif, ce travail est crucial et a requis un travail de documentation et d’analyse très important porté par notre documentaliste.

    Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées?
    Trois difficultés majeures ont été rencontrées sur ce projet.
    La première, propre à tout projet de design industriel, fut la bonne compréhension mutuelle des objectifs et méthodes de chaque parti. Ce travail complexe a pu se faire grâce à une bonne compréhension par le management de Thales des enjeux et du positionnement du design dans le cycle de conception.
    Les deux autres difficultés sont plus spécifiques au projet ODICIS:
    - La première tient à la complexité technologique des produits intégrés (électronique très complexe, positionnement extrêmement précis du chemin optique et des lentilles de Fresnel…) et à la nécessité d’intégrer cette complexité dans la conception d’un produit démontable (pouvant être déplacé sur un salon comme le Paris Air Show). Pour cela, un processus très incrémental a été mis en place entre Thales, les fournisseurs d’optique (Optinvent) et les sous-traitants de F+A, visant à positionner des tolérances sur chaque élément de la chaine et à corriger électroniquement les écarts résiduels.
    - La seconde tient à l’identité prospective du produit. Il fallait que le projet porte à la fois l’identité actuelle de Thales et paraisse naturellement prospectif, ne « ringardisant » pas ainsi les produits actuels tout en évitant l’écueil de l’objet de science-fiction (le cockpit « Star Trek »). Cette dimension a été prise en compte en travaillant très finement les éléments visuels pouvant amener cette perception prospective (légèreté, choix des matériaux, formes) tout en maintenant des liens généalogiques clairs avec les produits existants (manettes de gaz, sticks, instrument de secours)

    Sur combien de temps s’est déroulé ce projet?
    Il aura duré 21 mois, depuis son lancement en avril 2009, jusqu’à son lancement au Paris Air Show (ex. salon du Bourget), en Juin 2011. Le projet cockpit 3.0 dans lequel il s’inscrit à quant à lui démarré en octobre 2007.

    Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet?
    Le caractère innovant du projet aura nécessité de nombreuses mises au point de dernière minute, qui ont provoqué d’innombrables ajustements.
    Même si le résultat nous semble à la hauteur des ambitions du projet, les dernières semaines de développement ont été particulièrement complexes à gérer.
    Nous ne changerions rien sur le projet en tant que tel, mais nous avons hâte de le projeter dans un véritable cockpit.

    Et pour finir, où en est ce projet?
    ODICIS a été l’élément central de la présence de THALES au Paris Air Show (ex. salon du Bourget). Les retours ont été excellents, à la fois de la part des donneurs d’ordre, des clients et des médias (Les Echos, Flight International, Air & Cosmos, France 3…). Ces retours ont permis de convaincre les bailleurs de fond de poursuivre les travaux en visant une mise en service opérationnelle (sur avion d’affaire) à l’horizon 2020.
    ODICIS n’est donc qu’une première étape qui a, de l’avis général, permis de comprendre comment le design peut amener une réelle plus-value à un domaine naturellement plus porté vers la prouesse technologique. Il a permis aussi de montrer comment l’apport du design peut aller bien au-delà d’une « peau » extérieure mais peut contribuer de manière visible à l’innovation.

    Quelques images du projet:

    Croquis:

    Phase indispensable du travail mené en interne. Chaque pièce a fait l’objet d’une étude complète et de dessins originaux, à la recherche d’une cohérence globale dans le traitement de chaque détail.

    Prévisualisations 3D:

    Ultime étape de la validation auprès de Thales et de l’ensemble des partenaires, les images 3D produites par l’agence, particulièrement précises et soignées, ont servi de référence pour les attendus en termes de réalisation.

    Photos prises au Paris Air Show:

    Le démonstrateur est en place au salon Paris Air Show (ex. Salon du Bourget), au cœur du stand Thales. L’écran unique tactile est fonctionnel, et permet une navigation intuitive dans les menus ainsi qu’une configuration personnalisée au service de l’équipage.

    Vous pouvez également voir une présentation de ce projet en vidéo, sur le site france3.fr.

    Félix+associés est une agence de design produit, design graphique, et design d’espace, intervenant dans de multiples secteurs d’activités: hôtellerie, aéronautique, mobilier, mobilier urbain, packaging, petites et grandes surfaces commerciales, équipement de sports et loisirs…

    Pour en savoir plus: www.felixassocies.fr.


    1 commentaire

    1. stephanie dit:

      Bravo pour ce magnifique cockpit qui mérite bien le prestigieux label de l’Observeur du Design ! Novoceram aussi a reçu ce label pour deux systèmes de pose flottante de carrelage, sans joints, ni colle : Novoceram Outdoor et Novoceram Indoor !

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