• L’Objet en question(s): Les luminaires du nouveau TGV l’Océane par Ionna Vautrin

    La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs: l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux… Aujourd’hui, c’est la designer Ionna Vautrin, diplômée de l’école de design Nantes Atlantique en 2002 et à la tête de son propre studio depuis 2011 qui nous présente les luminaires qu’elle a créé pour équiper le nouveau TGV l’Océane. Interview:

    Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots?
    Dans le cadre de la création du nouveau TGV l’Océane, la SNCF m’a invité à imaginer une lampe identitaire ponctuant l’aménagement des espaces conçus par l’agence Saguez & Partners.

    Comment ce projet vous a-t-il été confié?
    La SNCF souhaitait faire de cette lampe un signe fort et marquant dans le parcours du voyageur, pour qu’elle devienne un objet connivent et identifiable de la marque.

    La volonté de la SNCF d’associer leur agence de design Saguez & Partners à une signature en affinité avec leur univers de marque comme la simplicité et la bienveillance, les a aiguillé vers mon travail. Avant que notre collaboration ne soit officialisée, les premiers visuels des intérieurs du train imaginés par Saguez & Partners symbolisaient provisoirement ce luminaire par la lampe « Binic » que j’ai dessiné pour Foscarini en 2010.

    Début 2013 j’ai rencontré l’équipe SNCF dirigée par Isabelle Patard, en charge du design du TGV l’Océane, et l’aventure a commencé! J’étais évidemment ravie et flattée de me voir proposer un projet d’adressant au grand public et inscrit dans un univers aussi particulier que le ferroviaire.

    Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet?
    La création de ce luminaire a été soumis à un cahier des charges doté de fortes contraintes d’usage, de maintenance, techniques, esthétiques ou d’espace.

    Du point de vue maintenance : ne pas encourager sa dégradation ou son usure, faciliter son nettoyage, simplifier son montage ou démontage pour le changement de ses sources lumineuses sans pour autant encourager son vol, penser à la sécurité des passagers et des équipes SNCF à son contact…

    Du point de vue technique : des matériaux et des finitions limités, un éclairage LED, ne pas chauffer au dessus de 30°C , limiter nombre de pièces, ne pas favoriser les vibrations, limiter son poids…

    Du point de vue pratique : ne pas éblouir le passager, ne pas obstruer la vision du passager, ne pas être un obstacle sur la table, ne pas chevaucher les grilles d’aération pour éviter les courants d’air vers le passager, être visible depuis le quai de la gare…

    Du point de vue esthétique : être pérenne, identitaire et domestique, être adaptée à son environnement en terme de formes, de couleurs et de matières…

    Quel était votre concept ou votre idée de départ?
    La SNCF m’a invité à visiter la Cité du Train à Mulhouse avant d’esquisser mes premières propositions. Cette visite m’a éclairé sur notre fabuleuse histoire ferroviaire à la croisée de l’art, de l’industrie et de la technologie. Cet héritage fertile et audacieux a fortement inspiré les contours atypiques de cette lampe.

    Ma première présentation proposait 6 avant-projets classés selon trois familles : éclairage direct, éclairage indirect et éclairage double. Chaque proposition embarquait le luminaire dans un univers très différent, tour à tour plus floral, radical ou classique…

    La silhouette à la fois sculpturale, douce et accueillante de cette lampe a tout de suite séduit l’équipe SNCF. A travers cette typologie « double » je souhaitais proposer l’idée d’une lampe pour tous mais d’un éclairage pour chacun. Ses deux sources lumineuses émettent un signal fort et accueillant depuis le quai tout en symbolisant l’idée d’accompagner chaque passager pendant leur voyage.

    Pourquoi le projet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux?
    Une fois ce principe d’éclairage double posé, je suis restée fidèle au registre formel que je cultive : un jeu d’équilibre entre des surfaces organiques et des lignes géométriques.

    Globalement je me suis inspirée de l’histoire ferroviaire, notamment du style art décoratifs de l’Orient Express ou de l’époque Roger Tallon.

    Le choix des matériaux, aluminium et plastique injectés, est inhérent aux formes proposées et aux contraintes imposées par les normes et les usages liés à l’univers ferroviaire.

    Les premiers dessins de la lampe étaient moins arrondis et n’intégraient pas de globes lumineux.

    Elle avait alors un statut relevant plus de la sculpture que du luminaire. Après quelques réunions avec la direction de la communication et la direction de Voyages SNCF j’ai adouci son dessin et souligné sa fonction lumineuse avec l’apparition de deux globes éclairant.

    Qui étaient vos interlocuteurs chez votre client, et avec qui avez-vous du collaborer?
    Depuis 2013 j’ai eu l’opportunité de travailler avec de nombreux interlocuteurs pour développer ce projet : l’équipe de la direction de la communication et du design SNCF en charge du projet global, l’équipe de Voyages SNCF (également décisionnaire dans le choix du projet), l’équipe de la direction des opérations et du service client, les responsables de l’ingénierie du matériel, l’équipe du design chez Alstom, l’équipe de Sezaly en charge du développement technique et de la fabrication de la lampe pour Alstom.

    Un projet transversal et très enrichissant en terme d’expérience, de rencontres et d’univers croisés!

    Au total, combien de personnes ont travaillé sur ce projet?
    Difficile à dire tant le nombre d’interlocuteur est important… Au moins une vingtaine je pense.

    Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées?
    Ce projet s’est déroulée merveilleusement du début jusqu’à la fin. Evidemment tout n’a pas toujours été simple mais globalement j’ai eu la chance de travailler avec des équipes passionnées par leur métier, des personnes respectueuses et toujours dans le dialogue. Quel bonheur!

    Sur combien de temps s’est déroulé ce projet?
    La SNCF m’a contacté début 2013; la première mise en service commerciale du TGV date de Décembre 2016, soit 4 années de développement. Un temps finalement court pour un projet de si grande envergure…

    Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet?
    Je ne regrette rien! Je suis très heureuse à la fois de cette collaboration et du résultat de celle-ci.

    Maintenant j’espère que le grand public accueillera avec enthousiasme cet objet, même si je sais qu’il est difficile de faire l’unanimité dans un projet aussi grand public.

    Et pour finir, où en est ce projet?
    Les premières rames du TGV l’Océane ont été mise en service en Décembre 2016. Elles desservent désormais Paris à Bordeaux en 2h05 grâce à la nouvelle ligne LVG. Je ne connais pas précisément le retour du grand public sur cet objet en particulier mais l’écho est plutôt positif de mon côté.
    Nous allons maintenant travailler sur l’édition de cette lampe pour que chacun puisse s’offrir un bout de TGV à la maison!

    Photographies : © Michel Giesbrecht

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