• Interview : Rencontre avec l’architecte et designer Bertrand Fompeyrine

    Nous avons aujourd’hui le plaisir de nous entretenir avec un architecte qui officie principalement en tant que designer et photographe : Bertrand Fompeyrine. Après l’obtention de son diplôme d’architecte obtenu en 2010 à Paris, il a commencé à travailler comme architecte avant d’explorer d’autres domaines créatifs. Aujourd’hui, il partage son activité professionnelle entre la photographie et le design. Proche du processus de fabrication des objets, il puise son inspiration dans l’univers de l’artisanat d’art et utilise essentiellement des matériaux de récupération qui l’inspirent. Il nous parle de son parcours, de sa méthode de travail et de ses projets dans cette interview :

    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation et votre parcours professionnel ?

    Je suis architecte de formation, j’ai étudié en France et en Norvège, et après un passage en Allemagne pour un stage, j’ai passé mon diplôme à l’école d’architecture de Paris la Villette. J’ai ensuite travaillé pendant 5 ans comme architecte, quelques mois dans le retail de luxe, puis dans une petite structure d’architecture qui m’a beaucoup appris.

    J’ai décidé de quitter l’architecture pour développer un travail plus personnel et axé sur la création, et nous avons commencé avec une amie un projet artistique basé sur la récupération. En parallèle j’ai travaillé comme set designer dans la publicité, puis j’ai arrêté ce travail qui ne me plaisait plus. J’ai alors commencé une activité de photographe qui me suis encore aujourd’hui. Je travaille maintenant encore comme photographe (BCDF studio) en parallèle de mon activité artistique. Les deux activités, photographie et design, se complètent très bien.

    Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous en ce moment ?

    Je travaille sur de nombreux supports. Des tableaux, des sculptures, et je commence également à travailler sur des pièces de design, toujours dans une idée sculpturale, avec des morceaux de bois (principalement du MDF), que je récupère dans la rue ou dans les poubelles, et que j’assemble après découpe pour créer des éléments de mobilier pour mon propre appartement. J’aime créer des choses dont j’ai besoin ou que j’aimerais avoir chez moi, tout simplement.

    Combien de personnes compte votre agence ?

    Je suis seul, et je compte bien le rester pour le moment. J’ai eu la chance d’avoir des supers stagiaires (coucou Barbara, Elisa et Charlotte), mais j’aime la liberté de n’en faire qu’à ma tête, découper mon temps comme je le souhaite. Pour moi « grandir » en terme d’agence, de structure, ça serait perdre une partie de sa liberté. C’est donc un choix important, de faire les choses simplement, avec le moins de ressources et de moyens possibles pour ne pas me retrouver submergé par le travail. Cela a bien entendu ses conséquences, mais c’est comme cela que je reste très heureux dans ma pratique.

    Quelle est votre méthode de travail habituelle ?

    Je suis très spontané. Je travaille quand j’ai envie, c’est très important. Dès qu’une idée germe, ou que je trouve des matériaux qui me donnent envie de faire quelque chose, je me lance, j’essaye. Je n’attends pas d’avoir une demande ou un programme, je le crée, je le montre, et parfois cela intéresse des gens. Je fais peu de dessins ou de croquis, j’aime la spontanéité du geste, et je privilégie toujours l’envie, ainsi que le hasard à la contrainte.

    Fréquentez-vous les blogs et sites Internet consacrés au design, et si oui lesquels ?

    Non pas vraiment, je suis le travail sur les réseaux sociaux de nombreuses personnes dont j’aime le travail, et qui m’inspirent. Mais généralement ce sont des gens qui font des choses très différentes, ou d’une autre génération.

    Y a-t-il un ou plusieurs designers, ou créateurs, qui vous inspirent au quotidien ?

    J’aime bien regarder dans le passé, mais j’aime garder ces références discrètes : nous avons tous déjà les mêmes images en tête, qui défilent sur Instagram, Pinterest, et tout fini par se ressembler. Je trouve très difficile aujourd’hui, dans un « mouvement » ou une « esthétique » partagée, de trouver des vraies identités fortes. Les plus vus sont souvent les meilleurs communiquant et non les plus créatifs, et j’aime plutôt regarder du côté de l’artisanat, et de toutes les choses créatives et inspirantes que l’on ne rencontre que dans les voyages par exemple. Des ressentis, des impressions, des couleurs, des rencontres, des ambiances.

    S’il y avait une chose à changer dans le design ?

    Je crois que ce qui est en place découle d’un besoin. S’il y a de la grande consommation par exemple. C’est qu’il y a de la demande. S’il y a des esthétiques martelées, c’est qu’elles plaisent au plus grand nombre, et les petites séries coûtent très chers, elles ne sont pas abordables par tous. Donc je ne crois pas qu’il faille changer quelque chose dans le design, mais plutôt changer notre manière de consommer. Mon travail part de la poubelle, du rebut, du déchet. Je récupère très souvent du polystyrène comme matière première, ou des restes de peinture dans la rue. J’aime détourner un déchet et lui donner une deuxième vie. Je ne souhaite pas en faire un argument marketing, c’est juste que cela a beaucoup de sens pour moi. Ce ne sont pas des matières nobles, et cela peut poser problème à une certaine clientèle qui voudrait investir dans du « lourd », du « solide ». Ce n’est pas l’esthétique de l’objet que je développe qui perturbe, mais la matière en elle-même qui peut questionner. Au contraire, certains collectionneurs y voient une valeur ajoutée. Donc tout n’est que perception et conviction dans le public, l’acheteur, ou le collectionneur il me semble. Et cela se répercute sur les créateurs, notre manière de créer, etc.

    Quelle est la commande que vous aimeriez vous voir confier ?

    Je travaille pour l’instant principalement avec des déchets et du sable. J’adorerais par exemple travailler sur un projet d’hôtel au bord de la mer. Utiliser les restes d’un chantier, travailler sur place, etc. Peut-être dessiner du mobilier, ou créer des œuvres in situ. Travailler avec des architectes sur un projet. J’aime l’idée de l’œuvre totale, je rêve de la carte blanche, de pouvoir ajouter des objets, des peintures, des couleurs, des sculptures, des plantes, tout ce qui participe à l’ambiance d’un lieu, des détails, etc. Et si cela est dans un contexte nouveau, un endroit où un pays que je ne connais pas, c’est encore mieux, peu importe tant que le contexte raconte quelque chose qui me touche. Je suis persuadé que les gens finissent par se trouver et les collaborations découlent toutes seules des belles rencontres.


    De votre point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui ?

    Ma réponse s’applique à tout métier créatif, Artiste, designer, etc. Ce sont des métiers que je trouve très difficiles et qui peuvent paraître assez injustes. Je constate que beaucoup de créatifs sont obligés d’avoir un autre travail. Il faut être passionné, avoir beaucoup de ressources ou être malin pour sortir du lot. Je ne me vois pas vraiment comme un designer, mais plutôt comme un créatif entre le design, l’artisanat, l’art décoratif, etc. Il faut certaines ressources pour développer des prototypes, stocker, créer. Je détourne constamment ces « empêchements » en trouvant une manière de créer qui m’est propre, et qui nécessite le moins d’outils ou de ressources possibles. Je peux travailler n’importe où, je n’ai pas d’atelier, je fais en sorte que ma matière première soit une rencontre, etc. Tout mon travail se développe sur l’idée de créer sans contraintes, pour le plaisir de faire émerger des formes, des idées. Un créatif trouvera toujours une manière de s’exprimer. Mais si vous voulez en vivre, alors il faut être très bon, très motivé, très patient, rien ne vient tout seul !

    Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que vous auriez envie de partager avec nous ?

    Je suis un passionné du Mexique et de la culture mexicaine, de la manière de vivre, des couleurs, des personnalités, de la création, des paysages, de la nature, etc. J’aime particulièrement voir et revoir le documentaire sur la chanteuse Chavela Vargas. Il est très intéressant et inspirant, particulièrement pour sa personnalité, son caractère, ses engagements, ses convictions, son histoire, sa persévérance et son art !


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    La revue du design
    tient à remercier Bertrand Fompeyrine pour cette interview et lui souhaite beaucoup de réussite dans ses futurs projets ! Pour découvrir l’ensemble de ses créations, visitez son site.

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