• “L’objet en question(s)” : Arrêt Minute de Franck Magné

    La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs : l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux… C’est le designer Franck Magné qui nous présente aujourd’hui sa nouvelle solution « Arrêt minute » qui sera dévoilée durant la prochaine édition de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne. Son projet d’équipement urbain est une borne de stationnement et sécurisation ultra rapide des vélos et trottinettes, pour permettre aux cyclistes un accès spontané aux commerces de proximités.

    Interview :

    Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots ?

    Arrêt Minute offre une fonction inédite de stationnement et sécurisation ultra rapide des vélos et trottinettes pour offrir à leurs utilisateurs un accès spontané aux commerces de proximité. Concrètement ce mobilier permet de stationner les deux roues et propose un système de câble gainé et de serrure à code unique pour les sécuriser.

    Comment ce projet vous a-t-il été confié ?

    Ce mobilier a été pensé durant la période de crise sanitaire qui a dopée la pratique du vélo dans les villes françaises. Cette période a également mis en relief l’importance pratique et sociale des commerces de proximité. Or le stationnement actuel d’un vélo pour une course rapide (boulangerie, épicerie, tabac, presse, pharmacie …) peut manquer de praticité au regard de l’éloignement des parkings vélo, de la complexité et du temps de verrouillage avec son antivol personnel. D’autre part les services de location de vélos ou trottinettes se développent fortement et le stationnement courte durée d’un vélo ou d’une trottinette loué en free-floating équivaut souvent à une fin de location, ce qui de facto limite l’accès spontané aux commerces de proximité pour leurs usagers.

    Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet ?

    Comme souvent dans l’espace public, nous sommes à un point de rencontre entre les comportements sociaux, l’économie, les sujets environnementaux, la technique, l’usage…

    Arrêt minute est positionné dans l’espace public, bénéficie à certains de ses usagers, profite aux commerçants de proximité. Nous l’avons pensé accessible en terme de prix et avons dû développer une approche Design to cost. En termes d’usage, la principale contrainte était de disposer d’un système de verrouillage simple, fiable sans faire appel à une clé, accessible à tous y compris sans smartphone et qui ne nécessite pas d’énergie.

    En termes d’ergonomie, l’enjeu était de pouvoir accueillir vélos et trottinettes tout en offrant des surfaces d’appui bienveillantes pour leurs peintures.

    Dans le rapport à l’espace urbain nous avons souhaité extraire arrêt minute d’une esthétique technoïde pour en faire une sorte d’arbre fonctionnel.

    Frise de l’évolution du projet, selon les contraintes d’ergonomie, de coût, d’émissions CO2 induites.

    Quel était votre concept ou votre idée de départ ?

    En un mot : la barre de bois sur laquelle Lucky Luke attache Jolly Jumper lorsqu’il arrive au Saloon !

    Toutefois la métaphore s’arrête là, dans mon idée les Dalton ne sont pas dans le saloon.

    Pourquoi le projet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux ?

    L’architecture produit en tripode s’est imposée car elle offre une belle stabilité, ce qui peut être un atout dans des environnements urbains contraignants dans lesquels des scellements profonds sont complexes. Elle offre également plusieurs dispositifs possibles pour stationner des deux roues et c’était notre volonté de ne pas imposer un mobilier directif comme peut l’être un atelier à vélos mais de proposer un mobilier de stationnement appropriable par chacun selon le type de 2 roues. Enfin, cette configuration permet également de disposer la partie technique en partie haute, où elle fait alors office de panneau et offre une bonne ergonomie d’accès au verrouillage et déverrouillage. Le matériau principal est un bois massif local PEFC associé à de la feuille d’acier laquée.


    Qui étaient vos interlocuteurs chez votre client, et avec qui avez-vous du collaborer ?

    Chez Objets publics nous sommes à la rencontre entre design et industrie. Nous avons la chance de pouvoir faire des propositions, à notre initiative. Nous l’avons fait avec le distributeur de gel Gabriel au cœur du premier confinement lorsqu’un fort besoin c’est fait sentir et que nos PME partenaires étaient à 50% d’activité. Arrêt minute est le deuxième opus de cette démarche que nous avons appelé « design action ». Elle ne répond pas à une logique de commande mais plus à une expression sur un sujet sociétal avec l’idée d’une réponse rapide et, comme toujours chez nous d’une fabrication française.

    Au total, combien de personnes ont travaillé sur ce projet ?

    4 personnes chez Objets publics ont été impliquées dans ce projet sur les aspects design et technique ainsi que trois sous-traitants sur les parties métal, peinture et bois.

    Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées ?

    Cela peut paraître aujourd’hui assez anachronique de penser un système purement mécanique. Nous avons voulu un système simple et résilient. Cela nous a imposés de trouver une solution de verrouillage peu commune. Nous sommes parvenus à identifier un modèle de serrure qui pour nous est un petit bijou mécanique : une serrure à code qui permet à chacun de composer un code unique. Après chaque usage le code est réinitialisé. Le tout 100% mécanique ! L’enjeu a été d’adapter cette serrure à la fonction attendue de verrouillage des deux roues.


    Sur combien de temps s’est déroulé ce projet ?

    La conception et les tests de principe se sont déroulés sur plus de 3 mois. Le test de fonctionnement est prévu sur plus de 2 mois, au total le déroulement du projet s’étale sur 6 mois entre les premières réflexions et un premier de série.

    Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet ?

    Nous avons déjà adapté certains assemblages dans une logique de réduction des coûts, pour le reste il est trop tôt pour se prononcer, nous serons très attentifs à la phase de test d’usage afin d’en tirer les enseignements.

    Et pour finir, où en est ce projet ?

    Le projet en est au stade du prototype et sera installé dans l’espace public stéphanois à la faveur de la bien nommée opération « Banc d’essai » lors de la Biennale internationale de design de Saint-Etienne. Ce sera l’opportunité de tester la proposition en situation réelle d’usage et de faire un relevé d’observation afin d’améliorer ou d’optimiser ce qui peut et demande à l’être.


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    Photographies : © Objets publics / Design Franck Magné

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