• Sam Baron & Peltex Maison

    Par Elodie Palasse-Leroux.

    Une étonnante rencontre entre le designer français et Peltex, spécialiste de la fausse fourrure: Sam Baron évoque la collaboration initiée par le R3iLab et la création de la ligne “Sam Baron pour Peltex Maison”.

    (cet article fait suite à une présentation générale de l’exposition Tech & Design que nous vous avions présentée il y a quelques jours, ainsi qu’à une interview d’Isabelle de Bussac).

    “Le designer opère une réécriture de l’histoire de l’entreprise”

    Sam Baron, directeur artistique du département design de Fabrica (laboratoire de communication et de recherche du groupe Benetton) depuis 2005, s’est frotté à bon nombre des matières qu’un designer industriel peut s’attendre à manipuler un jour. Pour Vista Alegre (ancienne manufacture royale de porcelaine portugaise), Vitra, Zanotti, Ligne Roset ou Christofle, chaque collaboration s’est avérée un exercice de style impeccablement réalisé.

    Pourtant aguerri, de son premier voyage dans les Vosges sur le site de production de Peltex, accompagné de Frédéric Pellerin, Sam Baron revient abasourdi. “Pour aller chez Peltex, on a fait un grand voyage. Dans tous les sens du terme”. Peltex tisse de la fourrure textile depuis 1956. L’entreprise a connu ses heures de gloire dans les décennies 1980 et 1990, travaillant alors pour les grandes signatures de la mode, Christian Lacroix ou Agnès B. en tête.

    “Aujourd’hui, on ne dénombre pas plus de 17 employés, au bas mot dix ou douze fois moins qu’à cette époque-là. Pourtant, Peltex possède un vrai savoir-faire, une vraie technicité – au point qu’une firme chinoise a choisi de s’appeler “Jeltex” en référence à son concurrent français.” En 1995, l’abolition des quotas d’importation de textile chinois précipite Peltex dans une sévère crise économique. Pour se réinventer, Peltex se lance dans la fabrication de tapis pour la salle de bains ou pour animaux (imprégnés de gomme caoutchouc, notamment pour la marque Purina). “En dépit des difficultés qu’ils rencontrent, les gens de Peltex restent amoureux leur travail. Ils constituent un moteur incroyable.”

    Pour le designer, ce défi revêt un caractère inédit. Il commence par écarter les “tapis peaux de bête” (“Panthère, vison, trop connoté, on tombe dans la caricature. Il y a cependant, paraît-il, un vrai marché en Allemagne!”), se focalise sur la technique, les outils de production. Il veut “proposer la réécriture de l’histoire de Peltex”, car, insiste Sam Baron, le projet du R3iLab oeuvre en ce sens, celui de “mettre en valeur la richesse de 50 ans de production industrielle.”

    “Les produits, langage commun entre l’industriel et le designer”

    Plongeant dans les entrailles et la mémoire de Peltex, Sam Baron écume les allées des archives de la firme vosgienne – et y trouve son déclic. Il y découvre “de jolis motifs, toutes les couleurs imaginables. J’ai trouvé ca magnifique alors que Vincent Perry, le patron de Peltex, appelait ça le “musée des horreurs”. Il fallait essayer d’apporter une notion de style et d’identité, quitter le côté animal. La mise en valeur du produit passe par les motifs: rayures, carreaux, losanges Argyle…”

    Sam Baron opère un classement par saison, par motif, pour proposer des déclinaisons adaptées, ensuite appliquées aux produits. Un credo: “Respecter les collections, les saisons”.

    “Il faut jouer sur l’empathie du produit, qui “fait sourire”, et prendre le contrepied en amenant de l’élégance, du raffinement”. La qualité de la fourrure, le savoir-faire de Peltex le rassérènent quant à l’issue sa mission. “Les métiers à tisser produisent de la maille jersey, et le process technologique est parfaitement maîtrisé”.

    Sam Baron imagine alors des pièces de mobilier complémentaires et modulables. “Les poufs deviennent canapé, sont dissociables. Le gris constitue la couleur de base, à laquelle viennent s’ajouter deux ou trois autres, un bleu canard, un beige et un vert”.

    La première collection de Peltex Maison, signée Sam Baron, se dessine.

    Sam Baron mesure l’enjeu de cette collaboration, pour cette société qui a “investi jusqu’à son dernier souffle dans le projet”: “L’objet du R3iLab, ce n’est pas juste d’inventer un nouveau produit, d’apporter une signature mais c’est aussi de trouver une solution qui doit être bonne et adaptée aux capacités et aux besoins de l’entreprise.”

    Sam Baron imagine aussi des objets qui pourraient être immédiatement distribués en points de vente, qu’il n’hésite pas à démarcher lui-même, dans l’espoir que la ligne se matérialise au plus vite. “Deux ou trois plaids et coussins, puis un tapis viendra. Façon patchwork, de façon à mettre en avant les motifs et les différents effets de matières, qui peuvent même se jouxter dans un même coupon. On peut imaginer jouer à fond la carte du kitsch, en osant des motifs à la Vasarely.”

    Pour fabriquer les pieds de ses assises, Sam Baron fait appel à un producteur local, Contino. “C’est lié à l’histoire économique de cette région: on y fabrique les carcasses de sièges depuis des siècles. Ces sont eux qui fournissent le faubourg Saint Antoine à Paris(1).”

    A Maison&Objet, les prototypes exposés, particulièrement aboutis, de la collection Peltex Maison attirent l’attention. Pour résumer les mois de collaboration avec la firme textile, Sam Baron insiste sur le fait qu’il n’a “fait que réinterpréter le patrimoine de Peltex, pour valoriser leur connaissance très spécifique. Il y a eu un échange, un dialogue. Et les produits sont un langage commun à l’industriel et au designer.”

    Elodie Palasse-Leroux, journaliste, est également rédactrice de Sleek design.

    Notes:

    (1) Quartier historique de la fabrication de mobilier depuis le bas Moyen Âge

    Quelques images du projet:

    Zoom sur les matières de Peltex:


    1 commentaire

    1. Sam Baron & le leader de la fausse fourrure sortent une griffe: Peltex Maison dit:

      [...] L’intégralité de l’article, qui fait suite à la présentation générale du projet Tech&Design dans le cadre du R3iLab, est à découvrir ici. [...]

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